La chaleur et le froid dans la transition énergétique

, par   Thierry de Larochelambert

Introduction

Pour concilier lutte contre le réchauffement climatique, efficacité énergétique et développement économique, les PPE 2019-2028 (Programmation Publique de l’Energie) soumises au débat public en France du 19 mars au 30 juin 2018, articulées sur la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone) et les SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), visaient les objectifs de réduction de 40% des émissions de GES (gaz à effet de serre) de la France d’ici 2030 par rapport à 2012 ; de 50% de la consommation énergétique d’ici 2050 ; de 30% de la consommation d’énergie fossile d’ici 2030 ; https://doi.org/10.25855/SFT2020-133de 50% de la part nucléaire de la production d’électricité en 2025 [1]. Elles ont été réactualisées dans la LOI n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat pour renforcer les objectifs de réduction des consommations fossiles à 40% en 2030 en visant la neutralité carbone en 2050 et en décalant la réduction à 50% de la part d’électricité nucléaire à 2035 [2]. Pour être pertinente, la PPE actuellement en cours d’élaboration doit répondre à la fois aux énormes enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique accéléré – qui menace jusqu’à l’habitabilité-même de notre planète à l’horizon du siècle et s’approche du seuil de basculement irréversible – et aux contraintes spécifiques du système énergétique français, caractérisé par une faible efficacité énergétique, une forte dépendance aux importations (en particulier d’énergies fossiles) et une grande sensibilité aux aléas climatiques ou sismiques. Si le débat public s’est focalisé sur les choix dans la production électrique (renouvelable versus nucléaire), il a peu mis en avant le rôle essentiel que la chaleur peut tenir dans la mise en place d’une transition énergétique efficace en France comme dans toute l’Europe.

À la fois énergie primaire EP (sous forme de flux de chaleur géothermique et d’éclairement solaire, chaleur fatale), vecteur d’énergie (directement dans les réseaux de chaleur, indirectement dans les machines thermodynamiques), énergie finale EF (chauffage et climatisation des bâtiments, eau chaude sanitaire, cuisson, chauffage industriel, réfrigération, etc.), énergie de stock et énergie de flux, la chaleur est aussi à l’intersection des flux énergétiques des économies modernes. De fait, elle doit donc être au cœur de la transition énergie afin de pouvoir sortir très rapidement des énergies fossiles de manière économique et pérenne.

La conscience des choix (« choice awareness » [3]) comme fondement d’une politique de la chaleur en France et en Europe est indispensable, tant pour relever les défis des enjeux de sobriété (isolation et rénovation thermiques) et d’efficacité (récupération de chaleur fatale, co- et tri-génération, stockage) énergétiques que ceux de la substitution massive des énergies renouvelables (chaleur solaire, biomasse, biogaz, géothermie) aux énergies fossiles en alliant indépendance et efficacité économique, justice sociale et soutenabilité écologique.

Dans cette perspective, il est essentiel que les statistiques énergétiques et climatiques locales, nationales et européennes soient non seulement transparentes et accessibles tant aux chercheurs qu’au grand public, mais aussi complètes et pertinentes pour permettre la compréhension claire des enjeux. La dénomination « énergie finale » elle-même est ambiguë et mal définie : il est par exemple difficile de trouver dans les tableaux statistiques une comptabilité claire de la chaleur dans les bilans d’énergie finale, trop souvent limités à un inventaire marchand (charbon, fioul, gaz naturel, électricité, chaleur vendue par réseaux de chaleur), alors qu’en réalité ces sources d’énergies sont converties pour produire les trois formes finales d’usage (chaleur pour les besoins de chauffage, d’eau chaude sanitaire, de procédés industriels et artisanaux ; force motrice pour les besoins de transport ; électricité spécifique pour
l’électronique, l’éclairage, l’électroménager), seules représentatives des besoins d’énergie.

Après avoir situé la chaleur et le froid dans la structure énergétique européenne et française (section 2), cet article montre l’importance des réseaux de chaleur et de froid pour la transition vers un système énergétique intégré intelligent (section 3) comme celui du Danemark.


Ce article a été présenté au Congrès SFT 2020. Le texte complet est disponible sur le site de la Société Française de Thermique,.