Alors que le diagnostic des scientifiques sur le changement climatique se précise, que les événements climatiques extrêmes semblent devenir plus fréquents, pouvons-nous encore espérer une issue positive à une négociation internationale qui paraît en panne ? Le refus des États-Unis de ratifier le Protocole de Kyoto, les tergiversations des Russes, les voix qui en Europe commencent à s’élever pour mettre en doute la pertinence du Protocole, les plans climat français moribonds qui attendent une relève toujours repoussée : autant d’éléments qui n’incitent guère à l’optimisme, malgré les discours généreux et mobilisateurs des politiques. Pourtant, jamais la perspective du réchauffement comme un risque majeur pour l’ensemble des équilibres écologiques n’a été si nette, soulignant la nécessité d’une convergence collective rapide vers un modèle de développement à la fois soutenable sur le plan environnemental et conforme à l’exigence d’équité et de justice dans le partage des ressources de la planète.
C’est la troisième fois en six ans que nous proposons aux lecteurs du Courrier de la planète et des Cahiers de Global Chance un numéro commun sur la lutte contre le réchauffement climatique.
Le premier numéro, paru en 1998, quelque temps après la concrétisation d’une régulation internationale originale par le Protocole de Kyoto, faisait déjà une large place, au-delà des débats alors très vifs sur les mécanismes de flexibilité du Protocole, à la nécessité de convergence des efforts des uns et des autres et à l’exigence d’équité et de justice dans le partage des ressources de la planète. « Cette question, disions-nous, paraît infiniment plus difficile à résoudre que de créer un marché de l’air et elle mobilise beaucoup moins d’énergies et de créativité. Aucun accord international ne résistera longtemps si ce problème n’est pas traité ».
Début 2001, quelques mois après l’échec des négociations de La Haye, l’éditorial du second numéro notait : « On est devant un vrai paradoxe : un cri d’avertissement de plus en plus net des scientifiques, une connaissance de plus en plus précise des moyens de prévention à mettre en œuvre, une alerte sinon une prise de conscience des opinions publiques occidentales et en même temps une impression de recul de la volonté publique, aussi bien au niveau national qu’au niveau international, comme si la connaissance paralysait l’action au lieu de la nourrir ! »
Trois ans plus tard, où en sommes- nous ? Alors que les certitudes des scientifiques se précisent, que les événements climatiques extrêmes attribuables à l’effet de serre semblent devenir plus fréquents, pouvons-nous encore espérer une issue positive à une négociation internationale qui paraît en panne ? Le refus des États-Unis de ratifier le Protocole de Kyoto, les tergiversations des Russes, les voix qui en Europe commencent à s’élever pour mettre en doute la pertinence du Protocole, les plans climat français moribonds qui attendent une relève toujours repoussée : autant d’éléments qui troublent les citoyens que nous sommes, malgré les discours généreux et mobilisateurs des politiques. Pourtant, jamais la perspective du réchauffement comme un risque majeur pour l’ensemble des équilibres écologiques n’a été si précise.
Ce nouveau numéro qui tente d’apporter un éclairage pluraliste sur ces interrogations, s’articule autour du débat que nous avons organisé entre quatre personnalités très impliquées à des titres divers : Nathalie Koscuskio-Morizet, Michèle Pappalardo, Laurence Tubiana et Dominique Voynet. Quatre femmes, ce qui est significatif, dont l’attention particulière et non partisane à ces questions mérite d’être soulignée. Un débat sur l’histoire, les avancées et les échecs de Kyoto, sur les initiatives locales et sur les perspectives et les pistes d’action. Sur ces différents points, nous présentons une série de contributions qui permettront, nous l’espérons, au lecteur de reprendre pied sur cette question majeure pour l’avenir des sociétés et de la planète.
En plus de la table ronde réunissant Nathalie Koscuskio-Morizet, Michèle Papalardo, Laurence Tubiana et Dominique Voynet, ce numéro conjoint des Cahiers de Global Chance et du Courrier de la Planète comprend trois parties :
• La qualité du travail scientifique pour objectiver l’effet de serre et l’invention d’instruments novateurs, qui ouvrent une voie intermédiaire entre l’intervention publique directe et les mécanismes de marché, comptent parmi les acquis du processus de Kyoto. Ils n’ont toutefois pas permis d’éviter son enlisement, qui s’inscrit dans une phase plus générale de blocage des négociations multilatérales depuis trois ans. La reprise des négociations suppose un certain nombre de préalables qui devront être remplis au plus vite : l’engagement des pays en développement dans le processus, la coordination internationale des efforts de recherche ou encore la rénovation du cadre des Nations unies pour que puissent s’appliquer des mécanismes de sanction. A cela devraient s’ajouter de grands programmes sectoriels mobilisateurs (qualité de la construction neuve, production d’électricité à faible émission de carbone, développement des politiques de transports urbains, etc.), qui pourraient créer une nouvelle dynamique internationale.
• Une dynamique que le carbon lobby s’est attaché à saper tout au long du processus de Kyoto. Cette coalition informelle de grands industriels (pétroliers, charbonniers, constructeurs automobiles, compagnies électriques, etc.) a beaucoup œuvré pour empêcher les négociations d’aboutir à des objectifs contraignants. Une pression qui a conduit le président G.W. Bush à annoncer en 2001 que son pays ne ratifierait pas le Protocole…
• En France, l’analyse des grands discours politiques sur l’effet de serre révèle une volonté de répondre à un problème complexe par le recours au mythe de la solution technologique. Pourtant, correctement informés, les citoyens se montrent généralement plus logiques et courageux que leurs dirigeants.
• Participant à la lutte contre le changement climatique, des initiatives sont menées par différents pays ou groupes de pays, sans toujours faire référence aux engagements de Kyoto. Par exemple, à partir de 2005, l’Union européenne lancera un marché de quotas d’émission de CO2 entre ses Etats membres. Parmi les différents enjeux, ce marché pose notamment la question des choix énergétiques que l’UE devra opérer pour les vingt prochaines années.
• La France a multiplié les plans climat, certes très rarement mis à exécution, mais sans lesquels la situation serait peut-être pire…
• Depuis 1998, l’Allemagne s’est lancée dans un ambitieux programme de lutte contre l’effet de serre. Même si les résultats restent en deçà des premiers objectifs, ils montrent la voie à ce qu’il est possible de réaliser aujourd’hui.
• L’opposition de l’administration américaine au Protocole de Kyoto ne préjuge en rien des dynamiques environnementales et économiques à l’œuvre au niveau des Etats de l’Union pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
• La politique énergétique chinoise se trouve à un tournant. Les choix politiques actuels auront des conséquences majeures sur les futures trajectoires d’émission.
• Enfin, dans le domaine des énergies renouvelables notamment, les démarches volontaires se multiplient. Si elles permettent de coller au plus près des préoccupations domestiques, elles ne règlent pas la question de l’équité internationale.
Comme on l’a vu dans la seconde partie de ce numéro, un certain nombre de politiques se dessinent et sont menées dans le monde pour lutter contre le changement climatique. Suffisent-elles à compenser le retard pris pour ratifier le Protocole de Kyoto ? Comment aujourd’hui relancer le processus de négociation multilatéral ? Sur quelles bases ? Quels sont les principaux obstacles à lever ? Quels sont les alternatives au cadre de Kyoto que l’on peut envisager ? Sur quels types d’objectifs (adaptation, technologies, etc.) ? Sur quel mode de coordination ? Autant de questions entrevues parmi les différents articles proposés.
• L’engagement des pays en développement, sans considérations de responsabilité ou de capacité, est nécessaire à la poursuite d’un objectif global de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre. Dès lors, comment parvenir à un accord coopératif et mutuellement avantageux ?
• Le blocage actuel des négociations invite à imaginer des solutions alternatives, au moins temporaires : réunir les conditions à même d’insuffler une véritable volonté politique, accorder l’effort international aux priorités domestiques en rendant le cadre des discussions plus flexible, élargir le cercle des parties prenantes, etc.
• Le thème de l’adaptation aux changements climatiques, longtemps tenu à l’écart du processus de Kyoto, revêt une importance particulière pour les PED, qui sont les plus vulnérables, et appelle des solutions opérationnelles, coordonnées aux politiques de développement.
• Pour autant, la question de l’adaptation concerne aussi les pays industrialisés. Par exemple en Ile-de-France où la crue de la Seine demeure une menace constante…
TABLE RONDE Et maintenant ? Nathalie Kosciusko-Morizet, Députée de l’Essonne, Rapporteur du projet de loi constitutionnel sur la Charte de l’environnement Michèle Pappalardo, Présidente de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) Laurence Tubiana, Directrice de l’Institut du développement durable et des
relations internationales (IDDRI) Dominique Voynet, Ancienne ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement
Kyoto
NÉGOCIATIONS Après Kyoto… Pierre Radanne, Mission interministérielle de l’effet de serre
Petit mémento des déchets nucléaires Éléments pour un débat sur les déchets nucléaires en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°2, septembre 2005, 48 pages
Petit mémento des énergies renouvelables Éléments pour un débat sur les énergies renouvelables en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°3, septembre 2007, 84 pages