Près de 15 ans après le « Sommet de la Terre » de Rio, et alors que la Commission du Développement Durable créée à cette occasion met l’énergie à l’ordre du jour de sa quatorzième réunion, les préoccupations globales relatives à l’environnement n’ont fait que s’affirmer, tout particulièrement en ce qui concerne les menaces qui pèsent sur le climat. Par ailleurs, la libéralisation des marchés énergétiques, qui devait contribuer au décollage des pays en développement, n’a pas produit les effets espérés, tandis que la perspective d’une pénurie de pétrole bon marché se fait plus réelle tous les jours et que l’attentat du 11 septembre et la guerre en Irak ont renforcé les craintes de rupture d’approvisionnement énergétique et de terrorisme écologique. Autant d’éléments qui renforcent notre conviction qu’on ne peut pas, dans le domaine énergétique, continuer à penser comme avant, et qu’il faut au contraire remettre à plat l’ensemble des questions pour tenter d’y voir plus clair pour l’avenir.
Après plusieurs numéros consacrés à la situation énergétique française dans le contexte du débat national sur l’énergie de 2003 et des deux débats engagés par la Commission Nationale du Débat Public sur les questions nucléaires, pour lesquelles la présence d’une expertise indépendante nous semblait indispensable, nous avons souhaité revenir sur les problèmes énergétiques mondiaux, près de 15 ans après la conférence de Rio, alors que la Commission du Développement Durable créée à cette occasion met l’énergie à l’ordre du jour de sa quatorzième réunion.
Bien des choses ont en effet changé depuis Rio, même si le défi d’assurer les moyens énergétiques du développement de tous reste entier.
Les préoccupations globales d’environnement n’ont fait que s’affirmer, en particulier les menaces qui pèsent sur le climat. La perspective d’une pénurie de pétrole bon marché se fait plus réelle tous les jours. La libéralisation des marchés énergétiques, qui devait permettre le décollage énergétique des pays en développement n’a pas produit les effets espérés. L’attentat du 11 septembre et la guerre en Irak ont renforcé les craintes de rupture d’approvisionnement énergétique et de terrorisme écologique.
Autant d’éléments qui renforcent notre conviction qu’on ne peut pas continuer à penser comme avant, dans le domaine énergétique, et qu’il faut remettre à plat l’ensemble des questions pour tenter d’y voir plus clair pour l’avenir.
De quelles marges de manœuvre disposons-nous ? Quels en sont les ordres de grandeur, quelles en sont les dynamiques, quels en sont les avantages et les effets pervers ? Que peut-on attendre des solutions les plus communément évoquées, le nucléaire, les renouvelables, la séquestration du CO2 ? Quid de la maîtrise de l’énergie, de ses potentiels et de ses limites ? Quid enfin du nouveau concept d’intégration systémique de l’offre d’énergie avec les services énergétiques aux usagers ?
Le premier chapitre « Les défis et les risques » fait le point sur les politiques actuelles et leurs conséquences à moyen terme, sur ce que nous savons des réserves fossiles et de leurs perspectives de raréfaction, sur ce que nous savons du changement climatique. Après ce constat inquiétant, dans un second chapitre « les éléments de solution et leurs limites », nous passons en revue les différentes marges de manœuvre sur lesquelles nous pouvons envisager de jouer pour sortir de l’impasse actuelle. D’abord en faisant le tour des technologies d’offre (nucléaire, renouvelable, capture et stockage du CO2, etc.) comme nous le proposent très généralement gouvernants et entreprises du secteur. À l’issue de cette analyse, force est de reconnaître qu’on est bien loin du compte. D’où l’impérieuse nécessité de changer de paradigme en s’appuyant sur deux leviers complémentaires : la sobriété et l’efficacité énergétiques d’une part, l’intégration systémique de la demande de services à l’offre d’énergie d’autre part.
Les différents articles qui traitent de ces questions montrent que l’espace d’action ainsi ouvert, considérable et économiquement accessible, est à la dimension du problème auquel l’humanité est aujourd’hui confrontée. Mais ces mêmes articles montrent aussi qu’une évolution majeure de nos modes de pensée et de nos modes d’action s’impose à très court terme si nous voulons sortir à temps de l’impasse dans laquelle les politiques aujourd’hui préconisées nous entraînent inéluctablement.
Nous dégageons enfin de cette analyse quelques priorités et l’énoncé d’une série de questions aussi bien techniques qu’économiques ou institutionnelles qui nous semblent mériter une discussion approfondie et des études complémentaires.
Le début de ce siècle se caractérise par une prise de conscience simultanée : • de l’importance de l’accès de tous aux services de l’énergie, condition reconnue aujourd’hui unanimement comme indispensable au développement, en particulier (mais pas seulement) pour les pays émergents ou en voie de développement, • de la fin prévisible à court terme du pétrole bon marché et plus généralement de la raréfaction rapide des énergies fossiles les plus accessibles, • des risques majeurs de réchauffement que la consommation trop rapide d’énergies fossiles fait courir au climat de la planète, • des risques spécifiques associés à la mise en place d’alternatives énergétiques (par exemple ceux d’environnement et de prolifération liés au nucléaire, ou ceux de déforestation et de concurrence d’usage des sols entre plantations énergétiques et alimentation).
Les réponses du côté de l’offre : on est loin du compte (6 articles)
Parmi les éléments de solution qui nous sont proposés et qui sont accessibles aux horizons imposés par la physique au regard à la fois de la raréfaction des ressources fossiles et du réchauffement climatique, c’est-à-dire 2030-2040, les différentes techniques portant sur l’offre énergétique présentent de réelles limites en termes de potentiels. En associant technologies de substitution aux énergies fossiles (nucléaire, renouvelables) et approches reposant sur la captation-séquestration du CO2 (soit industriellement pour le CO2 émis par les grandes centrales thermiques, soit via des plantations forestières pour le CO2 atmosphérique), on reste loin du compte. En effet, si les consommations d’énergie continuaient à croître au rythme des prévisions de l’Agence Internationale de l’Énergie, les programmes de substitution ou de séquestration du carbone, quelques soient leurs avantages et leurs inconvénients, et même s’ils se développaient tous simultanément comme une priorité mondiale, n’apporteraient qu’une réponse encore marginale à l’horizon 2030 au contrôle des émissions de CO2 et de la préservation des ressources fossiles.
Changer de paradigme : l’action sur la demande (4 articles)
Mais la crise majeure, énergétique, économique et environnementale, à laquelle on peut s’attendre dans quelques décennies si les évolutions actuelles des consommations d’énergie mondiales se poursuivaient n’est pas inéluctable. Les potentiels cumulés d’un effort de sobriété énergétique, d’une politique volontariste de maîtrise de l’énergie et d’une intégration systématique de la demande et de l’offre d’énergie sont à la hauteur de l’enjeu : ils permettraient en effet d’infléchir rapidement la pente croissante de consommation d’énergie mondiale, de la stabiliser avant 2030 et d’engager ainsi à temps le processus de réduction indispensable de cette consommation à l’horizon 2050 d’un facteur 2 environ, sans laquelle les efforts de substitution par des énergies non carbonées resteront très insuffisants.
Une autre logique, énergétique et démocratique
C’est d’un nouveau paradigme énergétique qu’il s’agit, qui renverse les priorités politiques actuelles fondées principalement sur l’offre d’énergie et l’espoir de ruptures technologiques en s’appuyant sur les grandes compagnies énergétiques et le marché pour tenter d’y parvenir. On voit se dessiner une autre logique, qui donne la priorité à la gestion de la demande de services énergétiques, à un aménagement des territoires et de la production industrielle optimisés pour prendre en compte les spécificités des territoires et des sociétés et éliminer les gaspillages énergétiques actuels ; les acteurs et décideurs principaux n’en sont plus seulement les producteurs d’énergie, mais bien plutôt les citoyens à leurs divers niveaux d’organisation.
Il nous paraît urgent, en France et en Europe, d’approfondir ces questions, de réfléchir à la mise en cohérence des différentes composantes de ce nouveau paradigme qui doit se traduire par des « scénarios » (au sens d’une mise en scène) à moyen et long terme qui permettent aux citoyens de comprendre la nature des enjeux et des contraintes, d’apprécier et de discuter les priorités, de participer activement à l’élaboration et à la réalisation des programmes qui doivent en découler.
En effet, la poursuite des tendances actuelles de la consommation d’énergie au niveau mondial se heurte à des contraintes insurmontables, que ce soit au niveau géopolitique, économique ou écologique. Le modèle énergétique actuel des pays de l’OCDE et des pays en transition, que les pays en développement prennent de fait comme un objectif à atteindre, conduit à l’impasse : il est véritablement urgent de changer de cap, dans un esprit de solidarité, d’humanisme et de démocratie.
Petit mémento des déchets nucléaires Éléments pour un débat sur les déchets nucléaires en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°2, septembre 2005, 48 pages
Petit mémento des énergies renouvelables Éléments pour un débat sur les énergies renouvelables en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°3, septembre 2007, 84 pages