Entreposage de longue durée en subsurface des déchets MA HA VL et recherche Contribution de Global Chance au débat public PNGMDR (17 avril - 25 septembre 2019)

, par   Bernard Laponche

En amont du débat public prévu sur le Plan de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), ouvert du 17 avril 2019 au 25 septembre 2019, la commission particulière du débat public (CPDP) chargée de son organisation a mis en œuvre une démarche de « clarification des controverses ». L’objectif était, dans la perspective du débat d’apporter au public non spécialiste mais soucieux de disposer d’une bonne information technique les informations permettant de comprendre les différences d’argumentations exprimées par des experts ou des organismes institutionnels, et ce sur la base d’une série de questions relevant de ce plan... Ont participé à ce travail de mise à plat des enjeux du débat : EDF, Orano, l’Andra, le CEA et l’IRSN, mais aussi la CLI de Cruas, Global Chance, France Nature Environnement (FNE) et WISE-Paris.

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Bernard Laponche : Entreposage de longue durée en subsurface des déchets MA HA VL et recherche
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ENTREPOSAGE DE LONGUE DURÉE EN SUBSURFACE
DES DÉCHETS MA HA VL ET RECHERCHE

Bernard Laponche, Global Chance, contribution préalable au débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMR 2019-2021), jeudi 31 janvier 2019


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Pour mémoire, les deux questions posées par la CPDP :

Question 7a - Depuis les derniers débats publics (2005 et 2013), y a-t-il eu des éléments techniques nouveaux (1) relatifs à l’option d’entreposage pérenne en sub-surface des déchets à haute ou moyenne activité et vie longue ?

Question 7b - Depuis les derniers débats publics (2005 et 2013), y a-t-il eu des éléments nouveaux relatifs aux recherches sur la séparation et la transmutation, de nature à influer sur les options de gestion des déchets à haute ou moyenne activité et vie longue (2)  ?


A la logique du projet Cigéo s’oppose la notion d’entreposage surveillé et pérennisé qui repose sur une attitude très différente. La notion d’évolution (évolution scientifique et technique, évolution des esprits et des sociétés) est au cœur de cette proposition alternative. On rejoint ainsi l’association de deux des voies proposées par la loi de 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs : associer l’entreposage à moyen terme en subsurface à la poursuite de la recherche afin de réduire la nocivité et la durée de vie des déchets nucléaires les plus dangereux. Global Chance présente donc une seule réponse aux deux questions car l’option de l’entreposage pérenne (mais non définitif) est étroitement liée à la voie de la recherche.

L’entreposage à sec en sub-surface

L’entreposage à sec existe déjà en France pour les types de déchets qui seraient stockés dans Cigéo :

• Les déchets HA-VL :

Les déchets vitrifiés de haute activité et à vie longue (HA-VL), produits à La Hague qui contiennent les produits de fission et les actinides mineurs extraits par le retraitement des combustibles irradiés issus des réacteurs nucléaires sont entreposés à La Hague dans des silos verticaux. Comme ils sont très chauds, ils sont refroidis par une ventilation forcée. Ces déchets constituent l’essentiel des déchets HA-VL (certains autres sont entreposés à sec à Marcoule).

• Les déchets MA-VL :

Ce sont des déchets très majoritairement produits à La Hague et Marcoule, mais aussi des déchets activés dans les réacteurs d’EDF. Il existe 32 types de déchets différents classés MA-VL par l’ANDRA. Ces déchets sont actuellement majoritairement entreposés à sec dans des installations spécifiques à La Hague et à Marcoule.

En Allemagne, en Belgique et surtout aux États-Unis, les combustibles irradiés qui constituent les déchets ultimes puisqu’ils ne sont pas retraités, après séjour en piscines de refroidissement des réacteurs, sont entreposés à sec dans des conteneurs spécialisés (dont une part importante est fournie par Orano), soit sur le site des centrales nucléaires, soit dans des sites spécialisés.

Quant à la « subsurface », il s’agit d’entreposer les déchets HA-VL et MA-VL convenablement conditionnés, dans des hangars creusés à faible profondeur ou dans le flanc de collines dans des conditions de surveillance et de contrôle et de garantie d’accessibilité, de récupérabilité et de réversibilité.

Un stockage à sec en subsurface présente l’intérêt de pouvoir « reprendre » un conteneur qui s’avèrerait défectueux, de pouvoir être « inspecté » régulièrement sans difficultés pendant une durée que l’on peut estimer à 300 ans car c’est la durée pendant laquelle les stockages des déchets de moindre activité devront être contrôlés et surveillés.

Cela permet de poursuivre la recherche sur la réduction de la nocivité des déchets radioactifs (radiotoxicité et durée de vie).

La recherche

La composante « recherche » de la gestion des déchets radioactifs, a été concentrée sur la « séparation-transmutation », piste recommandée dès la loi sur les déchets de 1991 et poursuivie depuis dans les différentes lois concernant la gestion des déchets.

Le document de synthèse le plus récent est la contribution de l’IRSN au débat public sur le PNGMDR : « La séparation-transmutation des déchets à vie longue ».

Ce document rappelle :

• Que le principe de la transmutation est de transformer des radionucléides dont la période radioactive est très longue (jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années) en éléments stables ou à vie plus courte. La transmutation consiste en l’absorption d’un neutron par le noyau d’un radionucléide, ce qui conduit à en modifier les caractéristiques radioactives ou à provoquer une réaction de fission.

• Que la séparation, étape préliminaire à la transmutation des actinides mineurs (AM) consiste à les séparer des combustibles qui les contiennent. Différents procédés de séparation existent (GANEX, DIAMEX-SANEX, Exam), aptes à s’insérer dans les installations de traitement des combustibles usés actuels.

La dernière phrase de la conclusion du document de l’IRSN indique la position « officielle » sur la voie « séparation-transmutation » :

« Ainsi, dans l’état actuel des connaissances, la transmutation ne constitue pas par elle-même une solution suffisante pour gérer les déchets de ce type. L’IRSN estime en outre qu’elle n’apporte pas un gain probant pour la sûreté de la gestion des déchets radioactifs les plus dangereux ».

C’est bien le morceau de phrase « dans l’état actuel des connaissances » qui explique et justifie l’option alternative proposée ici : le fait qu’il n’existe pas de solution satisfaisante aujourd’hui ne justifie en aucune façon l’abandon de la voie de la recherche pour trouver une meilleure option que l’enfouissement définitif.

Deux pistes actuelles

Sans préjuger de leur réussite, il est important de noter que deux pistes sont poursuivies par des équipes de chercheurs.

• MYRTE et MYRRHA

L’institut de Physique nucléaire d’Orsay (IPNO, CNRS/université Paris-Sud) poursuit et accentue son soutien au projet de réacteur hybride Myrrha (Multi‐Purpose Hybrid Research Reactor for High-tech Applications) pour les quatre prochaines années. En avril 2015, en effet, a été lancé le projet H2020 Myrte « Myrrha Research and Transmutation Endeavour », dans le prolongement du projet européen Euratom FP7 MAX « MYRRHA Accelerator eXperiment R&D programme », coordonné par l’Institut de Physique nucléaire.

L’objectif de ce projet est de poursuivre les recherches nécessaires pour démontrer la faisabilité de la transmutation de déchets nucléaires de haute activité à l’échelle industrielle via le développement du réacteur de recherche Myrrha et de son accélérateur associé. Des corps radioactifs à vie longue peuvent en effet être ainsi transformés en atomes à vie plus courte, voire en éléments réutilisables pour d’autres applications.

Porté par le SCK.CEN (centre de recherche de Mol en Belgique), le projet MYRRHA a pour objectif la réalisation d’un démonstrateur de réacteur hybride (ou ADS pour « Accelerator Driven System » afin d’étudier la faisabilité de la transmutation des déchets nucléaires hautement radiotoxiques. La réaction en chaîne dans le cœur sous-critique de ce réacteur serait entretenue grâce à des neutrons produits par l’intermédiaire d’un faisceau de protons issu d’un accélérateur de forte puissance.

• PROCÉDÉ PAR LASER

Le prix Nobel de physique 2018, Gérard Mourou, a déclaré le 3 octobre 2018 (3) :

« Celle (l’idée) qui me tient particulièrement à cœur est le traitement des déchets radioactifs avec nos techniques lasers. Je m’explique : prenez un noyau atomique : il est composé de protons et de neutrons, si on met un neutron en plus ou si on enlève un, ça change absolument tout. Ce n’est plus le même atome, ses propriétés vont alors totalement changer. La durée de vie de ces déchets est changée fondamentalement : on peut la réduire d’un million d’années à 30 minutes ! On est déjà capable d’irradier avec un laser à grand flux beaucoup de matière d’un seul coup, la technique est donc parfaitement applicable et théoriquement rien ne s’oppose à une utilisation à échelle industrielle. C’est le projet que je suis en train de lancer en collaboration avec le CEA. Nous pensons que d’ici 10 ou 15 ans nous pourrons vous montrer quelque chose ».

Le principe de la transmutation par laser est exposé dans l’article de Charles Hirlimann de septembre 2013 :

https://www.researchgate.net/profile/Charles_Hirlimann/publication/257116317_La_transmutation_laser_des_dechets_nucleaires_Laser_induced_nuclear

Notes de Global Chance :

(1) La question porte sur les éléments techniques, sans préjuger des dispositions législatives qui seraient à prendre si cette option était retenue.

(2) Sans préjuger des mesures législatives éventuellement nécessaires en cas de changement d’option

(3) https://theconversation.com/conversation-avec-gerard-mourou-prix-nobel-de-physique-2018-104338

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Énergie, Environnement, Développement, Démocratie : changer de paradigme pour résoudre la quadrature du cercle (Manifeste publié en ligne le 1er mai 2014)

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