Introduction
Cet article est paru dans le numéro 2024-2 de RISEO (Risques, Études et Observation) publié par le CERDACC (Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes) de l’Université de Haute-Alsace. Il est accessible en ligne librement (pp. 149-174) sur le lien suivant : https://www.riseo.cerdacc.uha.fr/
L’amélioration des méthodes d’investigation expérimentale et de simulation numérique du vieillissement thermique sous irradiation des matériaux nucléaires, et plus particulièrement des aciers faiblement alliés et des internes de cuves nucléaires, permet aujourd’hui de mieux connaître et évaluer l’évolution de leur fragilisation mécanique sous l’effet des séquences de flux neutronique et des contraintes thermomécaniques pendant toute la durée de service des réacteurs nucléaires.
D’autre part, la prévision des conséquences d’éventuels chocs froids sous pression, susceptibles de survenir accidentellement dans un réacteur nucléaire âgé encore en service, et en pleine puissance est désormais plus accessible et de plus en plus réaliste, grâce à l’amélioration des méthodes de calcul de dynamique des fluides couplées aux simulations numériques du comportement thermo-élasto-mécanique des alliages métalliques, de la dynamique neutronique et de ses impacts aux échelles nano, méso et méta des structures impactées.
Cependant, la chaîne d’accumulation des incertitudes tout au long du processus d’évaluation de la fragilisation des matériaux d’une part, et du déroulement accidentel d’un éventuel choc froid sous pression d’autre part, conduit à interroger la validité et l’incertitude de l’évaluation des facteurs de marge résiduels garantissant l’absence de risque de rupture de cuve nucléaire lors d’un tel choc, et par conséquent la sécurité du réacteur en cas de prolongation de service supplémentaire sur une durée déterminée.
Cet article présente dans une première partie l’état de l’art des dernières recherches internationales sur l’accélération du vieillissement des aciers faiblement alliés aux fluences neutroniques élevées. Il détaille ensuite les méthodes de calcul et de simulation numérique les plus récentes de rupture de cuves nucléaires irradiées et fragilisées au cours de séquences possibles de chocs froids sous pression. Dans une troisième partie, il expose en détail les résultats obtenus au cours du travail de recherche présenté ici sur l’évaluation des risques et incertitudes cumulées de rupture des cuves nucléaires 900 MWe les plus âgées et fragilisées en France en fonction de leurs éventuelles prolongations de service au-delà de 40 années. Il interroge enfin les implications morales et juridiques des personnes morales et physiques quant aux décisions de prolongation de service de réacteurs nucléaires âgés dont les cuves pourraient présenter des facteurs de marge insuffisants en cas de chocs froids sous pression accidentels.
Mots-clés : vieillissement thermique ; irradiation ; ténacité ; facteur d’intensité des contraintes ; rupture de cuve nucléaire à eau pressurisée ; choc froid sous pression ; démantèlement ; prolongation de service.
Abstract – Improved methods of experimental investigation and numerical simulation of thermal ageing under irradiation of nuclear materials - and in particular of low-alloy steels and internals of nuclear vessels - now allow us to better understand and evaluate the evolution of their mechanical embrittlement under the influence of neutron flux sequences and thermomechanical stresses during the service life of nuclear reactors.
On the other hand, the prediction of the consequences of possible pressurized thermal shocks (PTS), likely to occur accidentally in an older nuclear reactor still operating at full power, is now more accessible and increasingly realistic, thanks to improved computational fluid dynamics codes coupled with numerical simulations of the thermo-elasto-mechanical behavior of metal alloys, neutron dynamics and its effects on the nano-, meso- and meta-scales of the affected structures.
However, the accumulation of uncertainties throughout the process of assessing i) the embrittlement of materials ; ii) the accidental course of a possible pressurized thermal shock, leads us to question the validity and uncertainty of the assessment of residual margin factors guaranteeing the absence of risk of nuclear vessel fracture during such a shock, and consequently the safety of the reactor in the event of further service extension over a given period.
The first part of this paper reviews the recent international research on accelerated aging of low alloy steels at high neutron fluences. It then describes the latest computational and numerical simulation methods for the fracture of irradiated and embrittled nuclear vessels during possible sequences of pressurized thermal shocks. In the third part, the results obtained in the research work presented here on the assessment of the cumulative risks and uncertainties of failure of the oldest and most embrittled 900 MWe nuclear reactors in France, depending on their possible extension beyond 40 years of operation, are detailed. Finally, it examines the moral and legal implications for legal entities and individuals of decisions to extend the service life of older nuclear reactors whose vessels may have insufficient margin factors in the event of accidental pressurized thermal shocks.
Keywords : thermal ageing ; irradiation ; fracture toughness ; stress intensity factor ; reactor pressure vessel fracture ; pressurized thermal shock ; decommissioning ; lifetime extension.
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