Alors qu’un débat parlementaire sur la politique énergétique et nucléaire de la France est prévu pour octobre, il convient de rappeler que ce type de débat, à l’interface des questions de science et de société, et indispensable à la vie démocratique, n’a de sens qu’alimenté par une expertise plurielle, contradictoire, et publique. Mais qu’il s’agisse du nucléaire civil et du risque de prolifération ou de l’élaboration des scénarios énergétiques, la ligne officielle reste celle des experts... officiels, c’est-à-dire structurellement et obstinément pro-nucléaire. On peut alors s’étonner que les options majeures concernant notre avenir restent marquées par des rationalités si faibles et incertaines qu’il faille sans cesse confronter les points de vue, après un si long parcours commun de la science et de l’activité humaine. Mais le paradoxe n’est qu’apparent, puisque le monde quitte un peu plus tous les jours l’ordre immuable de la nature pour devenir de plus en plus le produit des cultures des groupes humains qui l’habitent. Reste que les défis et les enjeux liés à l’énergie sont tels que les exigences de transparence, de participation et de démocratie prennent dans ce domaine de plus en plus d’importance, quoiqu’en pensent l’écologie profonde comme le renouveau scientiste.
Nous voilà rassurés : la politique énergétique et nucléaire de la France ne suivra pas le chemin de la politique de l’école, qu’on a voulu revoir en catimini au petit matin pour des raisons de sécurité :
UN DÉBAT PARLEMENTAIRE EST PRÉVU EN OCTOBRE 1994
À l’interface des questions de science et de société, ce type de débat, indispensable à la vie démocratique, n’a de sens qu’alimenté par une expertise plurielle, contradictoire, et publique.
À son échelle, modeste, c’est le projet de Global Chance que d’alimenter ces débats : ont déjà été abordées les questions posées par le renouveau scientiste (Appel de Heidelberg), les perspectives ouvertes par les projets d’écotaxe et leurs limites, l’organisation de la production des savoirs sur l’environnement global et l’évaluation, vingt ans après, du programme nucléaire français.
La présente livraison poursuit ces débats, avec la réponse d’Yves Lenoir à la critique violente dont il a fait l’objet. Il les ouvre sur le futur, avec deux articles ayant pour toile de fond l’avenir du nucléaire.
Jean-Paul Schapira revisite la question de la prolifération, adresse un certain satisfecit aux institutions et règles, et aux efforts politiques de dénucléarisation qui ont contribué à limiter son extension, mais met en garde sur l’évolution des filières de prolifération, désignant notamment le démantèlement des armes nucléaires et les programmes de retraitement comme sources de risque principal. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, disait déjà un illustre ancêtre : seuls une vigilance institutionnelle accrue et le choix d’options non proliférantes en matière de gestion des déchets nucléaires permettront de limiter les risques de transformation en nouveaux arsenaux.
Pierre Radanne examine quant à lui, trois scénarios fortement contrastés pour l’avenir énergétique : développement du nucléaire, retour du nucléaire en base, sortie du nucléaire. Il va sans dire qu’il s’agit là de scénarios pour la France, puisque la part du nucléaire à l’échelle mondiale (4,7% des consommations) ne justifie pas une telle mobilisation intellectuelle.
Principales conclusions : nos degrés de liberté sont considérables, même si l’on tient compte d’une contrainte effet de serre ; les potentiels d’efficacité énergétique et de modernisation technologique restent très importants ; leur réalisation dépend de la capacité de la société à déplacer des investissements de la production vers la modernisation des consommations ; le nucléaire reste, pour l’essentiel, impuissant face à l’évolution des consommations des transports, qui deviennent le seul secteur à être véritablement exposé aux à-coups du marché mondial de l’énergie.
* * *
Peut-être s’étonnera-t-on que les options majeures concernant notre avenir restent marquées par des rationalités si faibles et incertaines qu’il faille sans cesse confronter les points de vue, après un si long parcours commun de la science et de l’activité humaine.
Le paradoxe n’est qu’apparent, puisque le monde quitte un peu plus tous les jours l’ordre immuable de la nature pour devenir de plus en plus le produit des cultures des groupes humains qui l’habitent. Les mondes en devenir inquiètent l’écologie profonde qui plaide pour un retour à une frugale stabilité, comme le renouveau scientiste qui se trompe de siècle en confondant ordre retrouvé et oligarchie raisonnante. Pour Global Chance, le progrès ne vaut que s’il est décidé par tous.
C’est une fois de plus la raison de ce numéro, comme de notre participation active au colloque au Sénat (8 au 10 Avril) sur ces problèmes.
Petit mémento des déchets nucléaires Éléments pour un débat sur les déchets nucléaires en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°2, septembre 2005, 48 pages
Petit mémento des énergies renouvelables Éléments pour un débat sur les énergies renouvelables en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°3, septembre 2007, 84 pages