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• Benjamin Dessus et André Guillemette : Le multi-recyclage du plutonium et la transmutation des actinides mineurs
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LE MULTI-RECYCLAGE DU PLUTONIUM
ET LA TRANSMUTATION DES ACTINIDES MINEURS
Benjamin Dessus et André Guillemette, Global Chance, contribution préalable au débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMR 2019-2021), vendredi 19 octobre 2018
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Pour mémoire, la question posée par la CPDP :
Question 1b - Quels seraient les arguments techniques en faveur, ou en défaveur d’un éventuel multirecyclage futur, et les conditions de sa faisabilité, du point de vue de la gestion des matières et déchets radioactifs ?
1. Multi-recyclage et transmutation
L’ambition des promoteurs de la filière « multi-recyclage » consiste à réduire au minimum les quantités de plutonium et d’actinides mineurs de l’UOX usé en provenance du parc de réacteurs à eau (REP) existant ou à construire (les EPR) en brûlant ce plutonium dans des réacteurs à neutrons rapides (RNR) de type Astrid et en tentant d’y transmuter les actinides mineurs, tout en limitant la croissance du stock de produits de fission. Cette opération suppose plusieurs passages du plutonium dans les RNR et donc à chaque fois le retraitement des combustibles irradiés issus du RNR.
Des scénarios de ce type ont été analysés au titre du rapport « Charpin, Dessus, Pellat » et réutilisés en 2006 pour le débat national déchets (1).
Ils se basaient sur les chiffres de performance résumés dans le tableau 1 :
Tableau 1 – Production de transuraniens et de produits de fission par filière
Alors que les EPR produisent 25kg d’actinides mineurs par TWh, des quantités de plutonium dépendant des proportions d’UOX et de MOX du combustible et 120kg de produits de fission, les RNR pris en compte consommeraient 10 à 15 kg/TWh d’actinides mineurs, 60kg de Pu/TWh et ne produiraient que 80kg/TWh de produits de fission.
On notera que les valeurs de diminution d’actinides très optimistes retenues à l’époque n’ont pas pu être démontrées en laboratoire. Dans un scénario « multi-recyclage » de maintien du nucléaire autour de 350 TWh entre 2040 et 2110 avec l’introduction de RNR à partir de 2040 et malgré les performances optimistes retenues on obtient les résultats suivants :
Tableau 2 - Évolution des principaux inventaires du scénario « multi-recyclage 350 TWh » (2040-2110)
Accès à la note (2)
Source : Rapport annexe au rapport « Charpin, Dessus, Pellat » sur la prospective technologique des filières nucléaires.
On constate que, dans 100 ans :
• la quantité de plutonium + actinides mineurs reste encore à 84% de sa valeur de 2040 (date de fin de vie du parc actuel) ;
• la quantité de produits de fission augmente de 60% ;
• la quantité d’UOX irradié reste stagnante.
Seule la quantité de MOX irradié chute considérablement.
Malgré les hypothèses techniques très optimistes retenues, on ne constate donc pas de progrès significatif en termes d’inventaire des matières les plus dangereuses dans ce scénario pour les 100 ans qui viennent par rapport à la situation laissée par le parc actuel.
2. Les risques de la filière « multi-recyclage »
La mise en place de la filière multi-recyclage repose sur un quadruple pari, celui de la réussite des recherches sur les réacteurs RNR, celui de la faisabilité du retraitement du MOX et du combustible RNR (3), celui du recyclage et de la transmutation des actinides et des produits de fission et celui de la mise en place, à partir du milieu du siècle, d’un système industriel complet d’une complexité considérable qui présente de très nombreux risques.
Nous nous contenterons à ce propos de reproduire les propos que Robert Dautray consacre à cette question dans son rapport de 2005 à l’Académie des sciences (4).
« Outre la réalisation d’un nouveau parc de réacteurs RNR de taille comparable à celui qui existe il faudrait, nous dit-il :
• des usines de fabrication et de re-fabrication continuelles de nouveaux combustibles utilisant les isotopes du Pu et leurs descendants très radioactifs ;
• des usines d’extraction et chimiques continuelles de plutonium et de ses descendants pour fabriquer les combustibles pour les RNR ;
• des outils de manutention robotisés pour la matière hautement radioactive (notamment pour se protéger des émissions de neutrons) ;
• des moyens pour les transports continuels entre toutes les usines à moins qu’elles soient regroupées en un seul lieu où serait ainsi créé un complexe nucléaire ;
• des moyens pour assurer la sécurité, soit des transports entre les éléments du réseau d’usines, soit du complexe. Ce dernier poserait des problèmes du type protection d’une forteresse avec un important personnel. Enfin, rejets et déchets, de toute nature, de ce complexe nucléaire poseraient mille problèmes.
Et le même auteur de conclure : « C’est bien au citoyen de décider s’il veut garder pendant un nombre indéterminé et indéterminable de décennies le plutonium et ses descendants ou s’il veut faire un autre choix ».
Notes :
(1) Global Chance : « Petit memento des déchets nucléaires : Éléments pour un débat sur les déchets nucléaires en France », Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°2, septembre 2005, 48 pages.
(2) La majorité du Pu est contenu dans le MOX irradié.
(3) Selon l’ANDRA Les matières nucléaires résultantes du mono-recyclage du parc nucléaire actuel, qui seraient requalifiées en déchets, seraient de 3 700 tMl d’URE, 5 200 tMl de MOX et 290 tMl de rebuts MOX. [Inventaire national des matières et déchets radioactifs, Rapport de synthèse, ANDRA, 2018 (scénario S3, page 60). La faisabilité de retraitement de MOX ou RNR seuls n’est pas démontrée. D’autant que ce retraitement s’effectuerait à l’horizon 2040-2050, date où les installations actuelles de La Hague seront en limite de fonctionnement. Il faudra de nouvelles installations de retraitement, ce qui outre la faisabilité technique demandera une acceptabilité sociétale.
(4) Robert Dautray : « Les isotopes du plutonium et leurs descendants dans le nucléaire civil », mai 2005.
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