Naguère tenue pour une lubie d’utopistes, la maîtrise de l’énergie fait aujourd’hui figure de référence obligée dans les discours de chefs d’État, d’organisations internationales, voire même de grands producteurs d’énergie, touchés semble-t-il par la grâce. Mais derrière les belles paroles et les déclarations d’intentions, quel contenu d’idées, quelle volonté politique, quelles décisions concrètes aux différents niveaux des instances internationales, des États, des entreprises ? Trente ans après le premier choc pétrolier, il apparaît nécessaire de tirer un bilan des expériences et des politiques de maîtrise de l’énergie mises en place dans les différentes régions des pays du monde développé ou en développement, d’analyser l’évolution des idées comme des pratiques, et de les confronter aux exigences du développement durable.
Comme pour le dernier numéro de ces Cahiers, entièrement consacré aux énergies renouvelables, nous avons choisi de consacrer l’ensemble de ce numéro à la maîtrise de l’énergie. Trente ans après le premier choc pétrolier, il nous est en effet apparu nécessaire de tirer un bilan des expériences, des politiques mises en place dans les différentes régions des pays du monde développé ou en développement, d’analyser l’évolution des idées et des pratiques, de les confronter aux exigences du développement durable.
Depuis plus de dix ans Global Chance n’a cessé de rappeler l’importance qu’il fallait attacher à la maîtrise de l’énergie pour définir et pratiquer une politique compatible avec les exigences sociales, économiques et environnementales du développement durable.
Encore considéré il y a 10 ou 15 ans comme utopiste, généreux, mais naïf et contraire aux lois du libéralisme économique, ce discours n’est généralement plus brocardé aujourd’hui. Des chefs d’État, des organismes internationaux, voire même des grands producteurs d’énergie, touchés semble-t-il par la grâce, le reprennent à leur compte.
Mais derrière la référence “obligée”, quel contenu d’idées, quelle volonté politique, quelles décisions concrètes aux différents niveaux des instances internationales, des États, des entreprises ?
Quand on analyse par exemple le chapitre énergie du Plan d’action issu du récent sommet de Johannesburg, on peut en effet se poser quelques questions : le mot « efficacité énergétique » est bien cité 4 ou 5 fois dans ce chapitre, mais toujours sous forme “d’adjectif”, accolé à une préoccupation plus importante, substantive, la production d’énergie. Pas de recommandation concrète, encore moins d’engagements chiffrés, en somme une sorte de supplément d’âme aux activités sérieuses de production d’énergies fossiles ou renouvelables.
Certes, ce n’est tristement pas le seul sujet majeur où l’on ne trouve aucun engagement concret dans le Plan d’action. Mais d’abord ce n’est pas une consolation, et puis, au moins, pour les renouvelables par exemple, des objectifs concrets ont été discutés, même s’ils n’ont pas été retenus sous la pression des pétroliers et des États-Unis. Rien de tout cela pour la maîtrise de l’énergie.
En France aujourd’hui, tout en rappelant dans chaque discours l’importance de la maîtrise de l’énergie, le lobby nucléaire se mobilise avec l’appui du gouvernement pour lancer la construction d’un nouveau réacteur nucléaire, alors que tous les chiffres montrent son inutilité avant 2025 ou 2030 !
Il nous paraît donc important de tenter de remettre les choses à plat en élargissant l’analyse aux différentes régions du monde : quelles évolutions, au Nord comme au Sud, depuis 30 ans, quelle réalité derrière les discours des uns et des autres, quelles difficultés, quelles priorités, quelles perspectives ?
Dans un premier chapitre, nous avons regroupé des considérations sur l’évolution des idées, des concepts, du vocabulaire et une analyse de l’histoire récente des consommations régionales d’énergie.
Le second chapitre est consacré aux perspectives à moyen et long terme : place de la maîtrise de l’énergie dans les marges de manœuvre qu’imaginent les prospectivistes au niveau mondial ou régional, problèmes d’environnement, etc.
Le troisième chapitre tente de rendre compte de la très grande diversité des situations à travers une série d’articles qui concernent à la fois l’histoire, la situation actuelle et les perspectives de régions très diverses du monde : Afrique, Asie, Amériques du Nord et du Sud, Europe.
Le dernier chapitre enfin rassemble des articles à caractère économique et sociologique qui permettent de mieux comprendre les limites, les difficultés, mais aussi les opportunités d’action dans le domaine de la maîtrise de l’énergie.
Les analyses thématiques présentées dans ce numéro et le patchwork des exemples nationaux ou régionaux évoqués ne peuvent prétendre ni à l’exhaustivité ni même à l’objectivité.
Nous avons d’abord tenté d’expliciter le vocabulaire, de rappeler les données de base et de donner des ordres de grandeur trop souvent ignorés. Nous avons ensuite montré, à travers les exercices mondiaux, régionaux ou nationaux, l’image que se font les prospectivistes du rôle de la maîtrise de l’énergie dans l’avenir du monde. Nous avons ensuite réservé une très large place à des témoignages nationaux ou régionaux qui mettent en relief des facettes historiques, politiques, culturelles et économiques très diverses du paradigme de la “maîtrise de l’énergie” à travers le monde. Nous avons complété cette analyse géographique et historique par quelques articles consacrés à des analyses sociologiques, économiques et de politiques publiques.
À l’issue de ce tour d’horizon quelques conclusions provisoires peuvent être évoquées :
• Il semble que se dégage un certain consensus sur l’importance et la pertinence économique de la maîtrise de l’énergie comme élément majeur de manœuvre dans les politiques de développement durable.
• Néanmoins, ni la scénarisation effective du concept de maîtrise de l’énergie, ni les politiques publiques ne suivent généralement le discours de façade en faveur de la maîtrise de l’énergie. Quelques exceptions méritent cependant d’être soulignées, au premier rang desquelles figure la Chine dont les efforts d’efficacité énergétique au cours des 20 dernières années apparaissent comme remarquables.
• Les exemples nationaux traités montrent la très grande diversité des trajectoires de consommation énergétiques constatées puisque cohabitent des pays dont l’intensité énergétique stagne, voire augmente sensiblement et des pays qui ont fait des progrès considérables dans ce domaine sans qu’on puisse y trouver des raisons essentiellement techniques ou économiques.
Il semble donc que c’est bien plutôt vers les attitudes culturelles et politiques qu’il faut tourner notre regard pour mieux comprendre les évolutions, les postures et les réalisations de chacun. Il est frappant par exemple de voir, à travers de nombreux exemples, les effets pervers d’une libéralisation mal conduite et trop hâtive et d’une déstructuration institutionnelle sur la qualité énergétique et environnementale du développement aussi bien au Nord qu’au Sud.
Cela renforce la conviction de notre association du rôle irremplaçable que doivent jouer les citoyens pour expliquer, convaincre, parfois contraindre même nos divers pouvoirs publics à prendre enfin sérieusement en compte, concrètement et quotidiennement, la maîtrise de l’énergie dans leur action politique, économique, culturelle et sociale. L’enjeu est évidemment majeur, non seulement pour l’avenir à long terme de notre planète, mais aussi aujourd’hui, pour le développement des pays du tiers-monde.
Petit mémento des déchets nucléaires Éléments pour un débat sur les déchets nucléaires en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°2, septembre 2005, 48 pages
Petit mémento des énergies renouvelables Éléments pour un débat sur les énergies renouvelables en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°3, septembre 2007, 84 pages