Alors que le gouvernement annonce la tenue d’un « Débat National sur les Énergies » qui aura pour but « d’associer les Français à la préparation de l’évolution de la politique énergétique pour les trente prochaines années », l’énergie reste un domaine certes central dans la définition et la mise en œuvre d’un développement véritablement « soutenable » au niveau socioéconomique comme sur le plan environnemental, mais où les discours contradictoires s’appuient sur les chiffres les plus fantaisistes, les amalgames et les contrevérités foisonnent, et l’omission comme la manipulation sont fréquentes. C’est pourquoi nous mettons aujourd’hui à la disposition des participants au débat à venir cette vingtaine de fiches courtes et factuelles, privilégiant une approche à la fois pédagogique et critique et précédées par une synthèse d’ensemble.
La Ministre de l’Industrie, Madame Nicole Fontaine, a annoncé le 8 janvier dernier le lancement au premier trimestre d’un « Débat National sur les Énergies » dans le but « d’associer les Français à la préparation de l’évolution de la politique énergétique pour les trente prochaines années ». Prônant une démarche « ouverte transparente et pluraliste » qui associe pleinement les citoyens, ce débat a pour but de « préparer les choix concrets et structurants s’inscrivant dans une politique nationale de développement durable ».
Dans le même temps, les grandes ONG d’environnement, inquiètes de l’isolement français dans le domaine énergétique et de la réduction programmée du débat à l’option nucléaire, ont décidé d’organiser un débat intitulé « le Vrai débat » où pourra s’exprimer librement la diversité des solutions alternatives.
L’association Global Chance, dont une des vocations est de mettre l’expertise scientifique de ses membres à la disposition du débat public, a décidé de participer à ces divers débats en mettant à disposition des citoyens certains des éléments factuels et pédagogiques qui manquent la plupart du temps aux non spécialistes.
Le domaine de l’énergie est longtemps resté et reste encore largement le domaine réservé d’un très petit nombre d’experts, souvent liés à des lobbies industriels puissants, et d’une administration peu encline à partager son savoir et jalouse de ses prérogatives.
Les concepts utilisés, les unités, le vocabulaire et le formalisme employés, contribuent à rendre opaques et incompréhensibles les enjeux et les options du débat. Le citoyen se trouve dans l’incapacité de juger de la pertinence des solutions proposées (ou imposées). La démocratie participative, « l’ouverture transparente et pluraliste », commencent par une information factuelle compréhensible accessible aux non spécialistes.
C’est pourquoi nous mettons aujourd’hui à la disposition des participants des différents débats une vingtaine de fiches, courtes, factuelles, sur des sujets où les discours contradictoires s’appuient sur les chiffres les plus fantaisistes, où les amalgames et les contrevérités foisonnent, où l’omission et la manipulation sont fréquentes.
Nous n’avons évidemment pas essayé de traiter l’ensemble des sujets d’un tel débat. Nous avons choisi d’aborder d’une part ceux qui font l’objet des discours les plus contradictoires ou les plus fantaisistes, d’autre part ceux qui n’ont pas droit de cité dans le débat tant ils semblent des faits acquis.
Nous espérons vivement que ces fiches apporteront une contribution positive à l’objectif de démocratisation participative, de transparence et de qualité du débat qu’on voudrait voir s’instaurer dans ce domaine majeur du développement durable.
Nous résumons ci-dessous quelques uns des principaux apports qui se dégagent des différents chapitres auxquels se rapportent les fiches qui suivent.
Les chiffres de l’énergie
Les cinq fiches de ce chapitre montrent la très grande complexité d’un sujet sur lequel courent des informations souvent tronquées ou inexactes. Il faut tout d’abord prendre conscience de l’importance des conventions de mesure et d’équivalence énergétiques adoptées qui pèsent très lourd dans l’allure des bilans énergétiques français. C’est ainsi que l’adoption récente par l’Observatoire de l’énergie des conventions internationales d’équivalence entre les différents produits énergétiques a bouleversé la façon d’apprécier les bilans énergétiques nationaux. On y apprend par exemple pourquoi :
• Alors que la consommation finale d’énergie sous forme d’électricité atteignait 40% de la consommation totale d’énergie dans l’ancienne comptabilité, elle n’atteint plus dans la nouvelle comptabilité que 22% de cette consommation finale.
• Alors que les pertes de la branche énergie (dans les raffineries, la production et le transport de l’électricité) ne comptaient que pour 9% dans l’ancienne comptabilité, elles atteignent 35% de la consommation d’énergie primaire dans la nouvelle comptabilité.
• Alors que Madame Nicole Fontaine, Ministre de l’Industrie, rappelle dans son communiqué sur le Débat national sur l’énergie que, grâce au nucléaire et à l’hydraulique, le taux d’indépendance énergétique de la France atteint 50%, un calcul plus réaliste montre que notre indépendance réelle n’atteint que la valeur de 36%, dont 22,6% grâce au nucléaire, 11,2% aux énergies renouvelables et 2,2% aux énergies fossiles.
• Alors que le programme nucléaire est censé nous avoir rendu beaucoup moins dépendant du pétrole que nos voisins, on constate que la consommation de pétrole par habitant de la France reste très proche de celle de l’européen moyen (1,50 en France contre 1,57 en moyenne pour l’Europe des 15).
Il est donc particulièrement important d’informer les citoyens des conventions très particulières qui sous-tendent les chiffres et les bilans pour apprécier les commentaires qui en sont tirés par les différents acteurs du débat.
La prospective
• Les trois fiches qui ouvrent ce chapitre concernent les projections énergétiques mondiales et nationales à 30 ou 50 ans. Elles mettent en évidence un très fort contraste entre les images du possible et illustrent l’importance majeure des marges de manœuvre que peut engendrer la maîtrise des consommations d’énergie : marge bien supérieure à celles qu’on attribue généralement à des choix très différenciés de ressources énergétiques (et tout particulièrement l’énergie nucléaire). L’analyse des scénarios, qu’ils soient mondiaux ou nationaux, montre les conséquences positives irremplaçables des politiques d’efficacité énergétique, à la fois sur la raréfaction des ressources et sur l’environnement global (émissions de gaz à effet de serre et déchets nucléaires). Elles montrent enfin qu’en France, contrairement à une affirmation fréquente, dans le domaine de la production d’électricité, la décision de mise en service d’une unité de grande puissance (nucléaire ou non), avant 2022 ou 2032, selon les scénarios de demande électrique, ne peut en aucun cas se justifier par des considérations d’ordre énergétique.
• Deux fiches sont consacrées à de nouvelles technologies, l’hydrogène et les piles à combustible, qui font l’objet depuis quelques mois d’un engouement exagéré, au point d’en paraître parfois suspect. Des publications récentes ont en effet tenté d’accréditer l’idée que ces technologies en rupture étaient susceptibles de résoudre définitivement les problèmes d’épuisement des ressources fossiles et d’environnement global que l’humanité anticipe actuellement dans quelques décennies. L’analyse présentée tente de remettre à leur juste place ces technologies et leur potentiel dans la panoplie des solutions technologiques émergentes en réponse aux différents problèmes cités plus haut.
La maîtrise de l’énergie et les énergies renouvelables
Conséquence logique des constats précédents, nous avons consacré trois fiches à la maîtrise des consommations d’énergie qui devrait faire l’objet de politiques concrètes et volontaristes alors qu’elle continue à ne faire pratiquement que l’objet de discours convenus. Trois secteurs sont abordés :
• Le résidentiel tertiaire où les potentiels encore considérables d’économie de chaleur ne seront certainement pas atteints sans une politique continue et volontariste de réhabilitation du parc existant, aujourd’hui quasiment abandonnée : on montre en effet que le potentiel de ce type d’action sur 20 ans est plus de 7 fois supérieur à celui d’une progression constante (10% tous les 5 ans) des performances de la construction neuve.
• Le secteur des transports, dont la croissance de consommation ne sera pas jugulée par le seul progrès technologique, contrairement aux affirmations des promoteurs de solutions type hydrogène, et qui suppose des politiques publiques (en particulier fiscales) continues et à long terme.
• La maîtrise de la consommation de l’électricité, domaine dans lequel la France présente un retard considérable, pour lequel de nombreuses solutions technologiques rentables existent sur le marché et dont le potentiel accessible et rentable d’économie d’électricité à l’horizon 2010 est important (de l’ordre de 55 TWh dont la plus grande part dans le résidentiel tertiaire).
Deux fiches sur les énergies renouvelables complètent ce chapitre :
• La fiche énergies renouvelables thermiques fait le point sur le potentiel raisonnablement mobilisable de solaire et de biomasse à l’horizon 2010-2020. Il est évalué à une dizaine de Mtep supplémentaires, nettement inférieur aux conclusions d’un récent rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques qui propose la mobilisation de 30 Mtep en 2010 (20 Mtep de solaire et 10 de biocarburants), valeur que nous estimons irréaliste.
• La fiche électricité renouvelable met en avant les enseignements tirés des expériences d’autres pays européens dont certains, au contraire de la France, ont engagé des politiques très volontaristes, en particulier dans le domaine de l’éolien, et analyse les différents outils d’incitation mobilisables au service de l’objectif de la directive européenne « électricité renouvelable » (22% en 2010).
La production d’électricité nucléaire
Trois fiches sont consacrées à la filière nucléaire :
• La première met en relief les conclusions principales du rapport « Étude économique prospective de la filière électrique nucléaire » établi en 2000 à la demande du Premier Ministre. Ce rapport remet en cause une série d’affirmations courantes, comme la prédominance de l’investissement initial des centrales dans le coût global de la filière nucléaire, ou l’intérêt environnemental et économique de la filière « retraitement + MOX ». Pour l’avenir à 50 ans, les calculs effectués montrent très clairement l’intérêt économique de la maîtrise de l’électricité, mais échouent à discriminer nettement, sur le plan économique, les scénarios en fonction du mix de production électrique retenu (nucléaire versus cycles combinés à gaz naturel). Le rapport apporte enfin un éclairage quantitatif inédit sur les conséquences, en termes de bilan matières et de déchets, de l’introduction de nouvelles technologies nucléaires et met en relief la très grande inertie du système.
• La fiche « retraitement + MOX » montre que cette filière ne présente pas les avantages économiques et environnementaux généralement revendiqués par ses promoteurs sur des bases factuelles tronquées ou erronées. La filière présente en effet un surcoût important (145 millions d’euros par tonne de plutonium évité), ne permet qu’une réduction modeste du stock de déchets les plus dangereux (maximum 20% en fin de vie du parc), et provoque l’apparition de problèmes spécifiques nouveaux d’environnement (La Hague, le refroidissement du MOX irradié, etc.).
• La fiche EPR enfin met en cause la pertinence des arguments des promoteurs de la construction d’un réacteur avancé européen à court terme, sur les plans énergétique, économique, environnemental et scientifique.
• La première apporte des éléments de réponse aux arguments avancés par les États-Unis et souvent repris pour mettre en cause l’accord de Kyoto.
• La seconde tente d’éclairer le débat souvent manichéen qui s’est engagé sur le thème « l’électricité nucléaire et (plus marginalement) l’électricité renouvelable, une réponse majeure à la lutte contre le réchauffement climatique ». Elle montre en particulier que les apports du nucléaire et de l’hydraulique aux économies d’émissions de CO2 mondiales, bien que non négligeables (respectivement 240 et 270 Mtonnes de carbone) restent marginales (3,8 et 4,3%) et sont donc loin de constituer « la » réponse, comme l’affirment certains, aux problèmes climatiques.
• La fiche combustibles et effet de serre montre la grande diversité des contributions aux émissions de CO2 des différentes filières d’utilisation des combustibles fossiles (en particulier pour les filières de production d’électricité) et met en relief les marges de manœuvre importantes, en terme d’émissions de CO2, qui peuvent résulter de substitutions judicieuses d’énergies fossiles.
• La dernière fiche analyse plus précisément les émissions de CO2 du système énergétique français et dresse le bilan des évolutions constatées, des scénarios, des politiques proposés et de l’état de leur mise en œuvre.
Petit mémento des déchets nucléaires Éléments pour un débat sur les déchets nucléaires en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°2, septembre 2005, 48 pages
Petit mémento des énergies renouvelables Éléments pour un débat sur les énergies renouvelables en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°3, septembre 2007, 84 pages