Sur cette page :
• Éléments d’introduction : Notre époque est celle des utopies... (*)
• Pierre Radanne (interview) : Une utopie portée par la démocratie
• Éléments de conclusion : Défendons notre jardin commun... (*)
• Pour aller plus loin : Changer de paradigme... | Les Dossiers de Global-Chance.org
(*) Sélection : Rédaction de Global-Chance.org
éléments d’introduction
NOTRE ÉPOQUE EST CELLE DES UTOPIES...
« Notre époque est celle des utopies. Elles sont nombreuses, de l’American way of life au communisme et aux Droits de l’Homme. Et elles possèdent toutes le pouvoir de mobiliser les foules. Mais, malgré ce pouvoir, elles ne sont pas comprises par leurs partisans, qui ne suivent en leurs noms rien d’autre qu’une idée vague et non définie. Comment espérer, alors, que ces utopies deviennent réalités ? »
Source photo et texte : X-VILLE, Jordi Colomer, 2015
« ... une utopie ne peut devenir réalisable que si elle obtient un consentement collectif. »
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UNE UTOPIE PORTÉE PAR LA DÉMOCRATIE
Pierre Radanne (entretien), Alternatives Économiques, Hors-série Poche n°49, « Et si on changeait tout... », avril 2011, pp. 72-75
Les avancées démocratiques sont la condition fondamentale de la réorientation écologique de notre économie. Pour Pierre Radanne, expert en politiques énergétiques, ancien directeur général de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et actuel président de l’association Futur Facteur 4, celle-ci sera marquée par l’essor des activités liées à la connaissance, qui seront une importante source de croissance.
Quelles réformes, y compris utopiques, faudrait-il mettre en œuvre pour assurer la conversion écologique de notre économie ?
Il y a plusieurs portes pour entrer en Utopie. La plus courue consiste à s’appuyer sur des avancées technologiques. Elle est d’autant plus utilisée qu’elle nourrit l’illusion d’éviter les changements majeurs de comportement et d’organisation de la société. La seconde consiste à proposer une réforme massive de l’économie, mais sans préciser comment y parvenir sachant que les inégalités sociales tendent à se creuser et les systèmes de protection sociale à s’affaiblir.
Mais il y a une autre porte. Celle du progrès démocratique. En effet, dans l’histoire, chaque changement de civilisation non seulement s’accompagne de bouleversements politiques, mais commence précisément par un changement politique. Ce fut le cas à la Renaissance avec la sortie du féodalisme pour entrer dans la structuration des États modernes sous l’autorité monarchique. Il en fut de même lors de l’entrée dans la société industrielle avec les révolutions de la fin du XVIIIe siècle fondant les gouvernements sur les parlements.
La question majeure est donc la suivante : quelle peut être la nature de la révolution démocratique appelée à porter une transformation complète de la relation à l’économie et à la nature mais aussi du citoyen à la société ?
Cette révolution doit s’opérer à trois niveaux : les droits de la personne, la démocratie locale et la gouvernance mondiale. En ce qui concerne les droits de la personne, la nécessité d’une protection sociale au niveau planétaire doit être affirmée, ainsi que celle de consulter les citoyens sur les questions qui les concernent ; les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) offrent aujourd’hui des possibilités de contribution active aux choix politiques encore sous-utilisées. Il n’y aura pas de changements massifs, donc volontaires des comportements, sans un considérable progrès éducatif, une compréhension forte des enjeux globaux et une plus grande participation de chacun.
Ensuite, il faut instaurer, sur une base locale, une démocratie de construction dans l’élaboration des décisions. Ce processus, s’appuyant sur un diagnostic et une mise en délibération collective, impliquera tous les types d’acteurs de la société. Puis, un travail d’analyse de la faisabilité des propositions prendra en compte leurs conditions juridiques, logistiques, financières et temporelles, avant une prise de décision par les assemblées élues. C’est d’ailleurs selon ce type de processus que sont élaborés les Agendas 21 (1) et les plans climat énergie territoriaux. Il faut rompre avec la pratique médiocre de la concertation a posteriori visant à avaliser des décisions en fait déjà prises.
Quant à la gouvernance mondiale, il s’agit, enfin, de renforcer les Nations unies dans un projet aspirant à faire converger les niveaux de développement de tous les peuples. Cela nécessite des moyens effectifs de mise en œuvre de l’intérêt général, et donc un pouvoir de sanction. Et cela passe par l’intégration de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le système des Nations unies, les seules à même de produire du droit, ainsi que la constitution d’un organe de règlement des différends qui couvre tous les aspects permettant un développement durable : l’économie, l’environnement et le social. C’est d’ailleurs l’enjeu du prochain Sommet de la Terre de Rio de juin 2012.
Ce renforcement du pouvoir au niveau planétaire doit être contrebalancé par des contre-pouvoirs pour éviter toute dérive. Là encore, les NTIC apportent les moyens indispensables d’échange et d’organisation des citoyens autour de la planète. Les actuelles révolutions arabes montrent l’extraordinaire avancée possible dans la prise d’initiative et l’organisation des peuples.
Et pour ce qui concerne le fonctionnement de l’économie en elle-même ?
Sur ces avancées démocratiques doit en effet se greffer une refonte profonde du mode de fonctionnement de l’économie. Et là, il y a un paradoxe. L’économie est un langage. Les prix nous indiquent les efforts que la société tout entière doit consentir pour que l’on puisse accéder à tel bien ou service. Si l’on reproche à l’économie l’extension permanente de la sphère marchande, on doit tout autant noter ses manquements et sa myopie. En effet, les choix économiques sont effectués avec de mauvais indicateurs : le produit intérieur brut (PIB)… Au sens de l’expression comptable, l’économie de marché n’est pas sincère. Elle ne tient compte essentiellement que des coûts immédiats en pratiquant des modes de calcul qui sous-estiment les coûts futurs. La première mesure à prendre est d’intégrer les impacts sociaux et environnementaux négatifs, la valeur des biens pourvus par la nature, et notamment les ressources rares. Il faut que l’on raisonne en coût global. On ne peut plus impunément tirer des traites sur la planète et sur les modes de vie des générations futures.
Êtes-vous plutôt partisan de la décroissance ou de la mise en place d’une croissance verte ?
On doit pousser le raisonnement plus loin car les limites de la planète débouchent sur une interrogation lourde : doit-on s’engager dans un processus de décroissance ? S’il est évident que certaines consommations vont décroître, à commencer par celle de combustibles fossiles, d’autres vont augmenter : l’utilisation d’énergies renouvelables, de production d’origine biologique. L’économie est à réorienter pour recycler les matières et régénérer l’environnement. D’autres activités pourront connaître une dynamique forte : la formation tout au long de la vie, la santé et les services à la personne et les moyens d’information et de communication.
Dès lors, quatre exigences doivent être posées. D’abord, il faut réduire les inégalités sociales, qui ne peuvent conduire qu’à la violence. La connaissance, l’expression culturelle et surtout la relation à l’autre sont des infinis, et donc de futurs grands générateurs d’activités ; en ce sens, l’idée de décroissance mésestime les sources possibles d’épanouissement et de réorientation de l’activité humaine. Une nouvelle économie verte doit être fortement pourvoyeuse d’emplois, elle doit s’inscrire dans une économie circulaire qui optimise l’utilisation des ressources, mais aussi plus généralement dans la nécessaire gestion collective de la planète. Car les pays en développement doivent, eux, connaître une indispensable croissance.
Quels sont, à plus court terme, les leviers pour développer les énergies renouvelables (fiscalité, normes, investissement public…) ? Jusqu’à quel point peut-on les substituer aux énergies conventionnelles ?
Dès lors, les signaux économiques vont devoir être réorientés en trois temps : le premier est celui de fixer comme règle le coût global ; le second, plus difficile, est d’intégrer les coûts externes dans les prix, qu’ils soient de nature sociale (la sécurité au travail, le financement de la protection sociale) ou environnementale (les risques technologiques, les impacts des pollutions, la raréfaction des ressources, l’érosion de la biodiversité) ; la troisième, enfin, consiste à ajouter des mesures fiscales quand cet effort de vérité-prix ne suffira pas. C’est notamment le cas pour les transports où, malgré une fiscalité déjà élevée, les trafics ne cessent de croître, dilapidant ainsi des ressources pétrolières en déclin. D’où la nécessité de mettre en place une taxe carbone dont la progression doit être corrélée avec les possibilités d’optimisation des consommations d’énergie et de modification des comportements.
Comment peut-on concrètement mettre en œuvre ce qu’on appelle la "relocalisation de l’économie" ? Que pensez-vous des expériences d’écologie industrielle ?
Parallèlement à la mondialisation, on assiste aussi à un "retour du territoire" comme cadre de cohérence économique et de cohésion sociale. La valorisation des ressources locales et une relocalisation de l’économie, notamment au plan agricole, sont indispensables à la fois pour développer l’emploi et réduire la vulnérabilité aux événements mondiaux. Néanmoins, l’Europe, n’ayant maintenant dans son sol ni combustibles fossiles ni matières premières minérales, sera largement dépendante d’importations. L’indispensable relocalisation de l’économie, ne l’oublions pas, ne pourra pas effacer l’interdépendance économique qui n’a cessé de s’accroître depuis un demi-siècle.
Propos recueillis par Naïri Nahapétian
(1) Ce concept, élaboré à Rio en 1992, propose aux collectivités locales de concevoir des programmes de développement durable établis en concertation avec les acteurs locaux.
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éléments de conclusion
DÉFENDONS NOTRE JARDIN COMMUN...
Mardi 30 octobre 2012, ZAD de Notre Dame des Landes :
défense du jardin collectif du Sabot face à l’intervention des forces de l’ordre...
(c) Romain Etienne
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Global Chance, mai 2011
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