Vers la sortie de route ? Les transports face aux défis de l’énergie et du climat
(coédité avec Liaison Énergie Francophonie, la revue de l’Institut de l’Énergie et de l’Environnement de la Francophonie)
Au Nord comme au Sud, à l’échelle locale, nationale et internationale, les tendances lourdes du secteur des transports sont à l’origine de préoccupations grandissantes. Qu’il s’agisse des déplacements individuels ou des transports de marchandises, la croissance effrénée des flux, des quantités, des distances, des vitesses,... se traduit en effet par l’augmentation continue des consommations de carburants et des émissions de gaz à effet de serre et polluants divers. Dans un contexte global caractérisé par des tensions de plus en plus fortes sur les ressources énergétiques fossiles (en premier lieu le pétrole) et une conscience désormais très largement partagée des menaces environnementales (en particulier le risque climatique), les transports font ainsi figure de défi numéro un pour réussir l’indispensable transition vers une société sobre sur le plan énergétique et soutenable sur le plan environnemental. Étroitement lié à la logique du système économique et énergétique actuel, le modèle du “toujours plus loin, toujours plus vite” est en effet dans l’impasse, et il nous faut pour en sortir repenser transports et mobilité(s), mais aussi nous interroger individuellement et collectivement sur notre rapport au temps et à l’espace.
(Nota bene : cette introduction à l’édition internet du numéro par Global Chance ne figure pas dans la version papier éditée conjointement avec Liaison Énergie Francophonie...)
L’association Global Chance a pour vocation de faire émerger dans le domaine de l’énergie les solutions techniques et institutionnelles ouvrant la voie à une civilisation différente, plus respectueuse de l’homme et de son environnement. À ce titre, elle se devait d’aborder la question épineuse des transports : un enjeu économique, social et environnemental majeur, mais vis-à-vis duquel les solutions vraiment satisfaisantes peinent à émerger et plus encore à se constituer en politiques cohérentes.
Au Nord comme au Sud, à l’échelle locale, nationale et internationale, les tendances lourdes du secteur des transports sont à l’origine de préoccupations grandissantes. Qu’il s’agisse des déplacements individuels ou des transports de marchandises, la croissance effrénée des flux, des quantités, des distances, des vitesses,... se traduit en effet par l’augmentation continue des consommations de carburants et des émissions de gaz à effet de serre et polluants divers. Dans un contexte global caractérisé par des tensions de plus en plus fortes sur les ressources énergétiques fossiles (en premier lieu le pétrole) et une conscience désormais très largement partagée des menaces environnementales (en particulier le risque climatique), les transports font donc figure de défi numéro un pour réussir l’indispensable transition vers une société sobre sur le plan énergétique et soutenable sur le plan environnemental.
Toujours plus loin, toujours plus vite : étroitement liée à la logique d’ensemble du système énergétique et économique actuel, l’hypermobilité croissante des personnes et des biens est au cœur du « modèle de développement » occidental. Un modèle aux origines historiquement déterminées, mais qui n’en tend pas moins à dominer progressivement la planète entière dans le cadre de ce que l’on appelle la « globalisation », et ce alors même qu’il n’est pas, du point de vue énergétique et écologique, généralisable en l’état à l’ensemble de l’humanité... Reste qu’on voit mal de quel droit ceux qui ont été les premiers à en tirer profit iraient à présent en refuser l’accès à tous ceux qui, après en avoir été exclus, aspirent à entrer enfin dans la ronde. Sur ce point, le secteur des transports n’échappe pas à la règle qui préside au processus de négociation sur le climat depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992 et qui a inspiré le principe central des « responsabilités communes mais différenciées »...
Dans l’impossibilité morale de s’opposer ouvertement à ce légitime désir de « rattrapage », dans l’incapacité politique de remettre en question un modèle de développement intensif en transports, que reste-t-il comme option aux dirigeants des pays riches et à leurs homologues au sein des autres pays ? La réponse, si l’on en juge par les propositions les plus discutées actuellement, est des plus simple : entretenir l’espoir que les contradictions croissantes du “modèle” dominant pourront être surmontées par un « policy-mix » modéré : amélioration du rendement des moteurs et des véhicules, diversification énergétique progressive via un recours accru à des carburants de substitution, mesures de rééquilibrage modal pour amortir l’augmentation des trafics, etc., mais aussi - et surtout - pari collectif sur l’émergence très rapide de technologies de rupture qui permettraient de concilier définitivement la croissance des mobilités et les contraintes sur les ressources énergétiques et environnementales.
Mais en matière de transports comme pour les autres champs des politiques énergie-climat, il n’est de réponse efficace en dehors d’une action résolue sur la demande : même associées à des mesures de rééquilibrage modal, les politiques à dominantes technologiques (efficacité, carburants alternatifs, véhicules ‘propres’, etc...) ne sauraient être à la hauteur des enjeux, car elles ne ciblent pas les déterminants structurels de la hausse continue de la mobilité des marchandises et des personnes. C’est donc dans cette direction qu’il convient d’orienter en priorité l’action individuelle et collective, en s’interrogeant sur les dimensions économiques, sociales, politiques et culturelles d’un mouvement de fond susceptible d’accentuer de façon décisive les tensions énergétiques et environnementales actuelles. Il s’agit en particulier de repenser l’aménagement des territoires et l’organisation socio-économique des activités, de revisiter les fonctionnements institutionnels et les processus de décision, mais aussi et surtout de questionner nos modes et modèles de vie ainsi que l’imaginaire véhiculé par les systèmes de transport : en bref, changer de paradigme pour sortir de l’impasse.
L’actualité récente nous rappelle que la question des transports, aussi bien dans les pays du Nord que du Sud, aussi bien des personnes que des marchandises, est au cœur des grands défi s et des grandes contradictions de ce début de siècle. Socle historique encore incontesté du développement des échanges et du commerce tous deux considérés comme indissociables du développement économique et social, les transports sont à la fois : • symbole constamment réaffirmé de liberté et de modernité des sociétés • enjeu industriel majeur pour les très puissantes multinationales de l’automobile, de l’aviation, de la construction navale et du pétrole, qui représentent à elles seules une part considérable de la richesse globale des entreprises, • enjeu pour les États, aussi bien par l’activité et l’emploi qu’ils génèrent que par leurs répercussions sur l’aménagement des territoires, • défi financier en raison des contraintes d’investissements structurels qu’ils engendrent, • source d’externalités négatives en termes de santé, d’accidentologie, d’environnement local, • enjeu majeur pour la planète avec les menaces d’épuisement du pétrole et du réchauffement climatique dont ils sont largement responsables.
Mais le modèle du « toujours plus loin, toujours plus vite », étroitement lié à la logique du système économique et énergétique actuel, est en train de trouver ses propres limites comme le montrent bien les propos tenus en mai 2008, à l’occasion du Forum international de Leipzig, par le secrétaire exécutif de la Convention climat Yvo de Boer qui n’a pas hésité à interpeller les acteurs des transports en ces termes : « Les tendances actuelles du secteur des transports vont toutes à l’encontre de ce que la science nous dit de faire, les politiques actuelles en matière de transport sont totalement inadaptées… Les nouvelles technologies seront certainement utiles, mais on ne peut attendre tout bonnement des solutions magiques ».
Il était logique que l’IEPF et Global Chance, étroitement associés depuis longtemps aux débats et aux recherches de solutions sur les questions énergétiques et environnementales liées au développement, aussi bien au Sud qu’au Nord, consacrent un numéro conjoint de leurs revues, Liaison énergie Francophonie et les Cahiers Global Chance, à cette problématique complexe.
Nous tentons de le faire aujourd’hui avec modestie.
Modestie tout d’abord parce que nous savons bien que nous ne sommes pas des spécialistes des questions de transport. Mais il faut reconnaître qu’il n’est pas aisé pour le grand public de trouver dans la littérature consacrée à ces questions une expertise et des analyses à la fois indépendantes, précises et accessibles : les visions techniques, industrielles et sociales partielles prédominent. Ou bien elles sont sous-tendues par des habitudes de pensée occidentales rarement remises en cause, ou bien elles émanent de spécialistes très compétents mais pointus dont l’analyse a bien du mal à dégager l’essentiel de l’accessoire au niveau planétaire. D’autant que, comme le disait le Secrétaire Exécutif de la convention climat au Forum cité plus haut, « il n’existe à l’heure actuelle aucun ensemble d’indicateurs reconnus ».
C’est pourquoi nous avons souhaité, en tant que généralistes des questions d’énergie et d’environnement, mettre en perspective la question des transports dans les préoccupations actuelles concernant les ressources énergétiques et l’environnement global.
Modestie aussi parce que nous sommes bien conscients du biais que risque de provoquer dans une analyse des transports mondiaux le fait de n’aborder que la question des consommations énergétiques et des émissions de GES, alors que bien d’autres déterminants majeurs viennent participer au jeu complexe qui se joue entre le développement, l’environnement et les transports.
Modestie enfin, parce que, même dans le cadre d’étude restreint que nous avons défini, notre analyse reste très partielle, puisque nous avons surtout mis l’accent sur la question des transports terrestres et n’avons pas pu suffisamment refléter la diversité des points de vue et des cultures, ceux du sud notamment, qui caractérise ce secteur.
Nous espérons cependant que le dossier que nous vous présentons permettra au lecteur de mieux comprendre les défi s, les enjeux et les risques associés au développement des transports. Il s’organise en trois chapitres principaux.
Le premier, propose un état des lieux mondial et régional, historique mais aussi prévisionnel, de l’évolution des consommations et des émissions mondiales des différents modes de transport et de leurs principaux déterminants. Globalement, ce chapitre montre que la poursuite des tendances et des politiques actuelles nous conduit droit dans le mur.
Le second chapitre analyse les marges de manœuvre que peut dégager la pénétration de technologies nouvelles dans les différents modes de transport vis-à-vis des défis de sécurité énergétique et de réchauffement climatique.
L’analyse montre que malgré ses vertus indéniables, une rapide pénétration des divers progrès techniques raisonnablement vraisemblables est très insuffisante pour compenser à elle seule une croissance non contrôlée des transports de passagers et de marchandises telle qu’elle ressort de la plupart des scénarios prévisionnels.
Le dernier chapitre tente de rebattre les cartes en proposant des pistes nouvelles susceptibles de provoquer un changement du paradigme dans lequel nous sommes aujourd’hui enfermés : transferts de la route et de l’aérien vers le rail, de la voiture vers les transports en commun, relocalisation de la production des biens, circuit court du producteur au consommateur, etc.
Plusieurs articles concernant des pays du Sud ou des pays du Nord explicitent des politiques ou des initiatives diverses pour illustrer par des exemples concrets les différents propos de ces deux derniers chapitres.
Le dossier se termine par une table ronde consacrée à des questions sociales, culturelles et économiques telles que notre relation à la mobilité et à la vitesse, les conséquences de la mondialisation, etc.
Nous espérons que ce dossier aidera nos lecteurs à prendre une conscience, éclairée par les faits, de l’ampleur du défi que constituent les transports et de la nécessité de repenser collectivement nos modes et modèles de vie, nos modes de production et d’échanges, pour rendre compatibles la mobilité des hommes et des biens avec la notion même de développement durable.
Fatimata Dia Touré Directrice de l’IEPF Benjamin Dessus Président de Global Chance
Petit mémento des déchets nucléaires Éléments pour un débat sur les déchets nucléaires en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°2, septembre 2005, 48 pages
Petit mémento des énergies renouvelables Éléments pour un débat sur les énergies renouvelables en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°3, septembre 2007, 84 pages