Les dangereuses insuffisances du plan de rénovation et de la loi Climat et Résilience Notes techniques et réflexions

, par   Olivier Sidler
Pierre Chatel

Global Chance publie ici un extrait de cette note technique. Publiée originellement sur le blog de Enertech, bureau d’études fluides spécialisé dans les bâtiments performants.

https://leblog.enertech.fr/images/210628_La_grave_insuffisance_de_la_strat%C3%A9gie_de_r%C3%A9novation_O_Sidler.pdf

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RÉSUMÉ DE LA NOTE

Avec la loi Climat et Résilience, les députés ont voté l’interdiction de la mise en location des passoires énergétiques (logements F et G) d’ici 2028 (dès 2025 pour les étiquettes G), puis des logements classés E d’ici 2034, le gel des loyers dans les passoires énergétiques dès 2023, ainsi que la mise en place d’un accompagnement de A à Z pour aider les Français à rénover leur logement. Ils ont également défini ce qu’est une rénovation performante à savoir un logement de classe énergétique C acquise par un gain d’au moins deux classes énergétiques.

Partant de ces éléments la DGEC a produit une note technique [1] visant à légitimer le bien-fondé de l’approche gouvernementale. Elle indique que, si tous les logements de classes F et G sont rénovés d’ici 2028, que 80 % le sont en classe C, on économisera 53,6 TWh/an (énergie finale) et 22,7 Mt CO2 en 2028, ce qui est conforme, selon elle, aux exigences de la PPE.

Mais la PPE impose une réduction de 74 TWh (énergie finale) pour le secteur résidentiel (ce chiffre incluant un faible potentiel d’économie sur les usages spécifiques de l’électricité). Et le plan, présenté comme un scénario qui va inéluctablement se dérouler, nécessite dès cette année la rénovation de 750 000 logements/an de classes F et G.

Hormis l’utilisation d’un outil de simulation d’une qualité scientifique manquant singulièrement de rigueur, il est étonnant que la DGEC puisse considérer comme acquise la rénovation spontanée par les Français de 750 000 logements/an en classe C, alors qu’aucune loi ne les y oblige (tout au plus invite-t-on seulement les propriétaires bailleurs à quitter les classes F et G dans la loi Climat et Résilience) et sans que le financement des 27 milliards d’euros annuels nécessaires aux travaux ne soit envisagé.

Enfin, une simulation sur des bases réellement physiques (pas de coefficients arbitraires d’ajustement des consommations !) montre qu’en réalité l’économie n’est que de 49 TWh/an d’énergie finale (-34% par rapport à la PPE) et de 13,1 Mt CO2 pour les émissions de gaz à effet de serre, donc très loin des objectifs fixés par la PPE qui n’est en rien respectée bien qu’elle constitue la feuille de route de la France !….

On peut aussi se demander si les impacts de ce programme sur l’énergie grise consommée par les matériaux nécessaires à la construction des logements neufs et à la rénovation ont effectivement été pris en compte, ou s’ils sont renvoyés vers le secteur industriel. Toujours est-il que si on comptabilise cette énergie grise et les GES associés, le bilan de l’opération en 2028 n’est plus qu’une diminution de l’énergie finale de 4,5 TWh et une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de 6,7 Mt CO2 par rapport à 2018.

Les pouvoirs publics semblent donc ignorer que la stratégie de rénovation qu’ils proposent ne permettra pas, par son manque d’ambition, de réalisme et de moyens, de respecter les objectifs fixés ne serait-ce qu’à l’horizon 2028 par la PPE.

Pour y parvenir il faut :

 dans la définition proposée à l’art. 39 ter de la loi Climat et Résilience, porter l’exigence énergétique d’un « logement performant » au niveau de la classe B et non de la classe C, ou bien adopter la référence au label BBC Rénovation pour cela,

 pour des raisons à la fois d’efficacité et d’ordre budgétaire, il faut abandonner les « petits travaux » de rénovation et s’orienter définitivement et sans regrets vers des rénovations « complètes et performantes », c’est-à-dire réalisées en une seule fois et avec l’ambition de récupérer la totalité du gisement d’économies potentielles,

 il faut rénover chaque année d’ici 2028, 785 000 logements/an dont 83% le seraient au niveau du label BBC Effinergie Rénovation (80 kWhEP/m²Shab/an et 20 kg CO2/m²Shab/an) et 8% en classe A, afin d’avoir rénové d’ici 2028 60 % du parc de logements de classes F et G. À défaut d’utiliser ce label, on peut aussi rénover 870 000 logements/an dont 80% seraient alors en classe B et 5% en classe A. Cela conduirait en 2028 à avoir traité les deux tiers du parc de passoires énergétiques (ce qui concerne 6 millions de logements et non 4,8 M comme le pense la DGEC),

 rendre obligatoire la rénovation car aucun dispositif d’incitation, aussi volontariste soit-il, ne permettra la rénovation annuelle de 800 000 logements. Ce qui suppose de mettre en place les conditions d’acceptabilité de cette obligation, et notamment la possibilité pour chaque ménage de disposer d’un financement de l’ensemble du montant de ses travaux, de bénéficier d’un reste à charge nul et d’un guichet unique,

 se limiter à 30 000 démolitions par an au lieu des 90 000 prévues afin d’améliorer le bilan global en réduisant un peu l’énergie grise mobilisée,

 accélérer le processus conduisant à l’usage de matériaux biosourcés afin de limiter la charge énergétique considérable que constitue la fabrication des produits de construction et de rénovation.

L’ensemble de ces dispositions réduit de 71 TWh la consommation d’énergie finale des parcs neufs et existants (ce qui correspond à l’objectif de la PPE) et de 14,5 Mt CO2 les émissions de gaz à effet de serre. Si l’on inclut l’impact de l’énergie grise associée aux matériaux de construction et de rénovation, la réduction de la consommation d’énergie finale n’est plus que de 45 TWh et celle des émissions de gaz à effet de serre de 6,7 Mt CO2 par rapport à 2018. On voit par là tout l’intérêt qu’il y aurait à réduire drastiquement les quantités d’énergie grise nécessaires à la construction et à la rénovation des bâtiments (comme le recommande la SNBC elle-même).

Enfin si, au lieu de supposer (comme le fait la DGEC) que la part du chauffage électrique est de 80 % dans les rénovations et de 85 % dans les logements neufs, ces deux taux sont respectivement abaissés à 60 et 65 %, l’économie de consommation d’énergie finale n’est diminuée que de 4 TWh (66 contre 70) par rapport au scénario précédent, celle d’énergie primaire, au contraire, augmente de 4 TWh et le gain sur les émissions de gaz à effet de serre passe de 14,5 à 13,3 Mt CO2. Ce qui signifie que l’on dispose de certaines marges de manoeuvre dans le choix des composants du mix des énergies de chauffage et qu’il est donc possible d’alléger la contrainte probablement trop forte sur le niveau de production d’électricité nécessaire en France en 2028 et au-delà. Ceci crédibilise la stratégie imposant comme objectif de rénovation le label BBC Effinergie Rénovation proposée précédemment.

Toutes ces dispositions semblent extrêmement contraignantes, et elles le sont effectivement. Mais il n’est plus possible d’attendre encore pour mettre en œuvre des dispositions courageuses et difficiles parce qu’il ne sera bientôt plus du tout possible d’espérer atteindre les objectifs de neutralité carbone. Dans son dernier rapport, le GIEC alerte l’humanité en lui disant qu’elle doit s’attendre à des retombées cataclysmiques consécutives au changement climatique... bien avant 2050 à la vitesse où la lutte s’organise…

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