Nucléaire : Il n’y a aucun intérêt à conserver le MOX

, par   Bernard Laponche

Un million de fois plus radioactif que l’uranium de base, le MOX est un mélange d’uranium et de plutonium dont la production a commencé dans les années 60, avec comme objectif premier l’élaboration de la bombe atomique. Le MOX est aussi utilisé comme combustible nucléaire dans 21 des 58 réacteurs français, et ce alors même que sa production et sa manipulation, sa présence dans un réacteur puis son stockage aggravent fortement les risques auxquelles nous expose la filière électronucléaire... laquelle pourrait pourtant tout à fait s’en passer !

Page mise en ligne le 16 juin 2013
Dernière mise à jour : 14 juillet 2013 à 20h04

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Il n’y a aucun intérêt à conserver le MOX (Bernard Laponche)
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NUCLÉAIRE : « IL N’Y A AUCUN INTÉRÊT À CONSERVER LE MOX »

Bernard Laponche, Le Journal du Dimanche, dimanche 20 novembre 2011

Le combustible MOX est un mélange d’uranium et de plutonium, d’où son appellation issue de l’anglais, mixed oxyde. Un réacteur nucléaire fonctionne grâce à l’uranium. En même temps est produit un élément plus lourd et plus radioactif : le plutonium. Par Bernard Laponche (*).

La fabrication du MOX comporte deux étapes. D’abord, on récupère les combustibles irradiés issus des réacteurs. Dans l’usine de retraitement de la Hague (Manche), on en extrait les quelques pourcentages de plutonium qu’ils contiennent. Ce plutonium est ensuite transféré à l’usine Melox de Marcoule (Gard) pour être mélangé avec de l’uranium appauvri afin de constituer le MOX, qui contient alors environ 7% de plutonium.

La production de MOX a commencé dans les années 1960. L’objectif a d’abord été l’élaboration de la bombe atomique. Puis il a été utilisé pour le fonctionnement des réacteurs surgénérateurs, en particulier Superphénix, abandonné en 1998. Les gouvernements ont tout de même décidé de conserver la production de plutonium comme composant du MOX, utilisé actuellement dans 21 des 58 réacteurs français. Ces centrales l’utilisent environ pour un tiers de leur combustible. Mais elles peuvent tout à fait s’en passer. C’est aussi vrai pour le réacteur EPR, à Flamanville ou ailleurs. L’argument selon lequel celui-ci n’utiliserait que du MOX est totalement faux. Il peut sans aucun problème ne fonctionner qu’à l’uranium. Les Finlandais ne prévoient d’ailleurs pas de l’utiliser pour l’EPR qu’ils construisent. Seuls 41 réacteurs dans le monde sur 450 s’en servent. Les États- Unis, qui ont le plus grand parc nucléaire au monde, n’y recourent pas. Cela prouve bien qu’on peut se passer du MOX, d’autant qu’il a de nombreux inconvénients.

Ce combustible est un million de fois plus radioactif que l’uranium de base. Radioactivité et température rendent sa manipulation plus complexe, sa présence dans le réacteur rend son contrôle plus délicat. Ensuite, en cas d’accident, sa présence dans le réacteur et dans les piscines aggrave les conséquences possibles. Enfin, il n’est pas retraité et se retrouve stocké en l’état. Au final, toute l’opération ne permet de réduire que de 15% environ la quantité de plutonium produite initialement. J’estime donc qu’il n’y a aucun intérêt à fabriquer ce combustible. Même EDF n’a pas d’avantage à utiliser du MOX. Retraiter de l’uranium lui coûte plus cher que de le stocker dans des piscines. L’arrêt de la production du plutonium et du retraitement du combustible irradié ne signifie pas l’arrêt de l’usine de la Hague car il y a un énorme travail sur le stockage et la gestion des déchets radioactifs ainsi que la mise au point des techniques de démantèlement des centrales et des usines nucléaires.

Pour finir, l’avenir du MOX n’a rien à voir avec le débat actuel sur la sortie du nucléaire. La France peut arrêter sa production sans réduire celle d’électricité. Le prix de celle-ci pourrait même en bénéficier ! Car encore une fois, le retraitement des combustibles irradiés est plus coûteux que son stockage.


(*) Bernard Laponche est physicien nucléaire, ancien ingénieur au CEA

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