Silence, n°374, décembre 2009
Quels sont les véritables enjeux du sommet de Copenhague en décembre 2009 ?
Nous savons depuis une quinzaine d’années que la lutte contre le réchauffement suppose de limiter vers 2100 l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre à des valeurs telles que leur concentration demeure inférieure à cette époque à 450 ou 500 ppm d’équivalent CO2. Mais nous savons aussi, depuis quelques années, qu’il est crucial d’y arriver sans un pic intermédiaire de concentration de ces gaz qui risquerait fort d’entraîner des dérives irréversibles du climat et de compromettre définitivement l’atteinte de l’objectif à 2100. Alors que les émissions mondiales continuent à progresser à un rythme de l’ordre de 3% par an, il s’agit donc d’inverser la tendance au plus tôt, vers 2020, et de s’engager dès cette époque vers une décroissance annuelle du même ordre pour les diviser par deux d’ici 2050. A l’objectif quantitatif s’ajoute donc l’urgence absolue de cet objectif.
Quelles sont les fausses pistes et qui les met en avant ?
Devant cette situation, on entend souvent dire qu’il faut faire feu de tout bois en oubliant soigneusement de quantifier les marges de manœuvre, de définir les priorités, d’engager des politiques cohérentes avec celles-ci. D’abord en reconnaissant que la limitation du CO2 n’est pas la seule necessité, surtout quand on pense à 2030 en 2040 : on sait en effet que le méthane dont le pouvoir nocif à 100 ans est 25 fois supérieur à celui du CO2 l’est 75 fois plus à 20 ans. Ses émissions actuelles comptent donc pour plus de 30% dans le réchauffement à cet horizon. Pourtant aucune politique ni nationale, ni internationale n’est envisagée sérieusement à propos de ce gaz, alors qu’elle aurait des impacts très significatifs à l’horizon 2030.
En ce qui concerne le CO2 qui reste l’essentiel du problème, toutes les études montrent que les marges de manœuvre résident principalement dans la réduction de la demande d’énergie, bien avant les solutions de substitution d’énergies non carbonées aux énergies fossiles, du type nucléaire par exemple. A horizon 2050, nous dit l’AIE, Agence internationale de l’énergie, les économies d’énergie représentent 54% des marges de manœuvre, les énergies renouvelables 21%, la séquestration du carbone 19%, le nucléaire 6%. On peut dans ces conditions se poser sérieusement la question de l’intérêt d’une poursuite dans la voie nucléaire vu les risques majeurs que cette filière induit alors qu’elle n’apporterait qu’un gain très marginal, coûteux et trop tardif au problème du réchauffement. La priorité des priorités est donc la maîtrise de l’énergie dans ses deux composantes, la sobriété des comportements et l’efficacité énergétique. Toutes deux dépendent très fortement de la nature des sinfrastructures mises à disposition des citoyens (urbanisme, infrastructures de transports, organisation de la production et relocalisation de l’économie).
Quels seraient les bons engagements à prendre ?
1 – Engager une politique spécifique de réduction de méthane en se fixant des objectifs quantitatifs à court et moyen terme pour les pays du Nord et du Sud.
2 – Engager enfin en France une politique sérieuse d’économie d’énergie là où sont les principaux gisements :
• le parc immobilier résidentiel et tertiaire déjà construit : ce sont plus de 20 millions de logements qu’il faut impérativement mettre aux normes thermiques de l’habitat neuf d’ici 2030.
• l’électricité dont la consommation croît à grande allure sans souci d’économie sous le prétexte que le parc électrique français est largement exempt d’émissions de CO2. Mais cette affirmation est remise en cause par l’existence du marché européen de l‘électricité qui conduit durablement à des émissions par kWh électrique élevées pour des applications saisonnières comme le chauffage des logements.
• les transports : même si le progrès technologique sur les motorisations des voitures n’était pas systématiquement détourné par les constructeurs au profit d’une augmentation des puissances et du poids, il ne serait de loin pas suffisant pour permettre une réduction sensible des émissions de gaz à effet de serre. C’est donc sur une limitation de la demande de transports et sur les transferts de mode vers des transports collectifs beaucoup moins émetteurs ou des modes non mécanisés qu’il faut agir en priorité, ce qui renvoie aux politiques industrielles et urbanistiques indispensables à une relocalisation au moins partielle de la vie économique et sociale .
• l’industrie, non seulement en tant que responsable d’émissions de gaz à effet de serre dans son processus de production et de distribution des biens et services, mais aussi de la qualité énergétique des produits et des biens qu’elle met sur le marché.