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Le clin d’œil du webmestre : La science perd le contrôle de sa créature...
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politique, médias et science : le cas allègre
À la suite de l’attaque de Claude Allègre contre Politis et les auteurs d’une tribune publiée le 18 juin 2009 dans cet hebdomadaire, près de 9000 signatures de soutien ont déjà été recueillies.
Pour démonter l’imposture Allègre, une réunion publique se tiendra le mardi 15 juin à 19h au Théâtre de l’Est parisien, à l’initiative de Politis, Terra Eco et Mediapart.
Prendront la parole au cours de cette réunion :
Denis Sieffert, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Politis
Benjamin Dessus, président de Global Chance et co-signataire de la tribune publiée par Politis
Edwy Plenel, président et fondateur du journal en ligne Mediapart
Walter Bouvais, directeur de la publication Terra Eco
Sébastien Balibar, physicien et directeur de recherche du CNRS au laboratoire de physique statistique de l’École normale supérieure
Michel Broué, mathématicien
Thomas Heams, généticien
Sylvestre Huet, journaliste à Libération et auteur du livre « L’imposteur, c’est lui - Réponse à Claude Allègre » (Stock)
Bernard Legras, directeur de recherche du CNRS au laboratoire de météorologie dynamique de l’École normale supérieure
Claudine Schwartz, statisticienne
Jade Lindgaard, journaliste à Mediapart
Patrick Piro, journaliste et responsable de la rubrique Écologie à Politis
Un message d’Édouard Brézin, physicien, ancien président de l’Académie des sciences, ancien président du CNRS, sera également lu.
Théâtre de l’Est parisien, 159 avenue Gambetta, Paris 20e. Métro Gambetta, Pelleport, Saint-Fargeau ou Porte des Lilas.
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message d’édouard brézin
(Physicien de renom, ancien Président de l’Académie des Sciences et Président du CNRS de 1992 à 2000)
« La science est engagée dans un processus collectif où, si la confrontation des idées est indispensable, seule l’honnêteté intellectuelle permet en définitive de corriger les erreurs temporaires inévitables. Le choix des données, leur analyse, les modes de publication, appartiennent à l’exigence d’intégrité des professions scientifiques.
Lorsque des scientifiques reconnus pour leurs contributions à un domaine où ils ont fait preuve de leurs capacités, se servent de leur prestige pour asseoir sur leur autorité des assertions non justifiées dans des domaines qui leur sont étrangers, lorsque l’insulte, le mépris, l’intimidation, viennent au secours des erreurs d’analyse, les scientifiques ne sont pas dupes, la science n’est en rien affectée. En revanche la perception par la société de la science et de ce que l’on peut en attendre, est complètement piétinée par cette attitude.
Les déclarations de C. Allègre sur les mathématiques ou la relativité générale ont eu pour simple effet de ridiculiser leur auteur aux yeux de la communauté scientifique. Mais lorsque le pouvoir politique, hélas de tous les bords, lui donne les moyens d’agir ; lorsque la négation a priori de l’effet anthropique sur le climat renforce le pouvoir de nuisance de ceux qui protègent leurs intérêts et ne souhaitent que prolonger leur “business as usual”, ce n’est pas la science qui est en danger, mais tout notre avenir ».
(texte transmis par Édouard Brézin et lu lors de la réunion publique)
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la réunion publique sur le « cas allègre » en sons et vidéos
Avec les interventions de :
Denis Sieffert, directeur de la rédaction de Politis
Benjamin Dessus, ingénieur et économiste, co-auteur de la tribune incriminée
Edwy Plenel, président de Mediapart
David Solon, directeur de la rédaction de Terra Eco
Michel Broué, mathématicien et professeur à l’université Paris Diderot (avec la lecture du message d’Edouard Brézin, physicien de renom, ex-président du CNRS et de l’Académie des sciences)
Claudine Schwartz, mathématicienne et professeur d’université
Sylvestre Huet, journaliste spécialisé en sciences à Libération
Bernard Legras, directeur de recherche au laboratoire de météorologie dynamique
Patrick Piro, journaliste à Politis, responsable de la rubrique Ecologie
Jade Lindgaard, journaliste à Mediapart
À voir sur le site de Politis
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comptes-rendus de la réunion du 15 juin
« J’ai honte que Claude Allègre soit considéré comme un de mes collègues »
Camille Garcia et Jihane Bergaoui, rédaction de Mediapart, mercredi 16 juin 2010
Le procès de Claude Allègre
David Solon, directeur de la rédaction, Terra éco, mercredi 16 juin 2010
Soirée Claude Allègre hier au TEP
Sylvestre Huet, sciences2, mercredi 16 juin 2010
Ils ripostent à Claude Allègre
Clémence Glon et Florence Chirié, Politis, jeudi 24 juin 2010
« J’ai honte que Claude Allègre soit considéré comme un de mes collègues »
Camille Garcia et Jihane Bergaoui, rédaction de Mediapart, mercredi 16 juin 2010
Un « débat autour d’un os qui s’appelle Allègre ». Patrick Piro, journaliste de Politis, n’y va pas par quatre chemins. L’ancien ministre de l’éducation nationale en a pris pour son grade au cours d’un débat public, organisé par Politis et Mediapart, au Théâtre de l’Est parisien, mardi 15 juin.
Le but ? Disséquer une imposture mêlant sciences, médias et politique. Mais surtout soutenir Politis, et Denis Sieffert, son directeur de publication, poursuivis pour « diffamation publique envers un fonctionnaire public » après la publication en juin 2009 d’une tribune collective (à lire ici). Huit personnalités revenaient sur les soupçons portés par d’anciens collaborateurs contre Claude Allègre. Il est accusé d’avoir grossi les risques que représentait le volcan de la Souffrière en Guadeloupe en 1976, afin que l’IPG (institut de physique du globe) -qu’il dirigeait à l’époque- profite de plus gros crédits de recherche. La plainte a été déposé en mai 2010, et plus de 9.500 personnes ont déjà signé la pétition de soutien. Pourtant peu de « scientifiques eux-mêmes » sont signataires, souligne Patrick Piro. Quant à Claudine Schwartz, statisticienne, elle soutient « Politis parce que c’est une entreprise de salubrité publique ».
Désarroi scientifique et « savoir parcellaire »
Tour à tour, scientifiques ou journalistes se sont livrés à un décryptage de la personnalité atypique de Claude Allègre. Détenteur du prix Crafoord en 1986, de la médaille d’or du CNRS en 1994 ou encore membre de l’Académie des sciences françaises... De nombreux titres, mais pourtant un consensus parmis les intervenants : « il n’a pas le niveau d’un étudiant de premier cycle ». Joël Martin, physicien à la retraite, souligne avec précision : « Dans un livre, il confond sublimation et évaporation ! ». Avant de remettre en doute son expertise scientifique : « Il a dû avoir sa médaille d’or dans un paquet de Bonux ».
Michel Broué, mathématicien, s’aventure quant à lui dans une analyse psychologique et lâche : « c’est un mythomane conscient et intéressé pour les besoins de sa cause ». Il rappelle ses positions sur l’amiante, lorsqu’en avril 2005 dans sa chronique hebdomadaire de L’Express, le chercheur avait dénoncé « la folie de l’amiante » comme « une psychose créée par un groupe de gauchistes irresponsables ».
Le climatologue Bernard Legras, directeur de recherche du CNRS au laboratoire de météorologie dynamique de l’ENS, estime pour sa part que « Claude Allègre est reconnu pour avoir de très grandes intuitions dans la géochimie. Certes il n’est pas réputé pour sa rigueur, mais on ne peut pas lui reprocher d’avoir entièrement volé ses prix ».
D’autres comme Claudine Schwartz sont sans appel. « Claude Allègre en tant que scientifique, est discrédité ». Et d’ajouter : « en tant qu’homme politique, il est libre de son choix. Par contre, c’est un homme de médias, un communiquant brillant ». Elle n’hésite pas à le comparer à Bernard Tapie évoquant leur symptôme commun, celui du concept de « mentir de bonne foi », sauf que Claude Allègre l’a repris à son compte avec le « trucage de courbes à des fins politiques ».
Son art réside en effet dans une sorte de « populisme scientifique », quitte à commettre de gros impairs. « La notion de climat est une question complexe, il est facile de s’y perdre, et donc, d’y semer la confusion », rappelle Bernard Legras. Et Thomas Heams, enseignant-chercheur en génétique, de renchérir. « Claude Allègre incarne l’échec de l’échange entre scientifiques et société. Il a adopté une posture habile en se faisant le chantre du droit aux doutes ».
Sébastien Balibar, physicien et directeur de recherche du CNRS au laboratoire de physique statistique de l’ENS, ironise également : « cela fait 34 ans que Claude Allègre confond démarche scientifique et combat politicien pour ne pas dire auto-satisfaction névrotique ! ». Inquiet pour l’éthique scientifique, il avoue : « je me sens blessé, j’ai honte que Claude Allègre puisse être considéré comme un de mes collègues ».
Côté politique, c’est le néant. Benjamin Dessus, président de Global Chance, se dit « très surpris par l’absence de réactions politiques au livre de Claude Allègre, à gauche et surtout chez les écologistes ! », ajoutant « j’aurais bien vu une tribune commune d’ATTAC, de Besancenot... »
Science, politique et médias, le cas Allègre est « une vraie poupée russe », dénonce Denis Sieffert. « Alors comment empêcher Allègre de nuire ? », s’inquiète une spectatrice dans le public.
Médias et démocratie
Selon David Solon, rédacteur en chef de Terra Eco, les journalistes ont leur part de responsabilités dans « l’imposture Allègre ». « Notre profession a aussi quelque chose à voir dans la réussite de Monsieur Allègre. Les médias l’ont beaucoup aidé dans sa réussite. Il s’invite lui même dans certaines radios et télévisions pour dicter ses règles. »
Jade Lindgaard, de Mediapart, interpelle à son tour ses confrères, dénonçant cette « surexposition médiatique du personnage liée à ses accointances avec certains patrons de l’audiovisuel » et « l ’auto-nivellement par le bas des médias diffusant une culture de la bêtise ». Elle interroge également les responsables politiques : « Claude Allègre n’a-t-il pas franchi la ligne jaune ? Ne faut-il pas s’interroger sur une sortie de la vie politique ? »
De son côté, Edwy Plenel insiste sur l’enjeu commun entre science, média et politique, celui de « l’exigence de vérité. Le cas Allègre nous interpelle sur l’état de notre démocratie ». « Une démocratie qui donne tant de place a un charlatan est une démocratie malade », surrenchérit Michel Broué. Une idée également présente dans la lettre d’Edouard Brézin, physicien et ancien président de l’Académie des Sciences, qui s’achève ainsi : « ça n’est pas la science qui est en danger mais tout notre avenir ».
Le président de Mediapart rappelle qu’une « nouvelle alliance entre journalistes et scientifiques est vitale. Notre profession est responsable d’un manque de transmission de vos savoirs. Il faut donc que cette réunion se traduise par un appel solennel de la communauté des savants et de la connaissance pour poser cet enjeu politique nécessaire à une renaissance démocratique de notre République ! », lance-t-il.
Le dernier mot est revenu à Denis Sieffert. « Claude Allègre n’est plus scientifique mais scientiste. Il a accédé à une fonction sociale et politique qui le dépasse et dont il se sert pour faire passer se idées. Il ne faut pas lâcher l’os, allons vers un appel pour prolonger ce combat ! »
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Le procès de Claude Allègre
David Solon, directeur de la rédaction, Terra éco, mercredi 16 juin 2010
Depuis quelques semaines, nous sommes tous journalistes de Politis. Non que cet hebdo « indépendant et engagé » ait racheté à lui tout seul toute la presse française, mais par solidarité. Vous l’avez lu dans nos colonnes, huit personnalités (1) et le directeur de la publication de Politis, Denis Sieffert, ont été mis en examen suite à la plainte en diffamation déposée par Claude Allègre pour la publication d’une tribune il y a maintenant plus d’un an. Je ne reviendrai pas sur le fond de l’affaire. La justice, clairvoyante, s’exprimera prochainement.
Mardi 15 juin, au théâtre de l’Est parisien, près de 300 personnes étaient réunies afin d’évoquer le cas Allègre. A l’origine de la rencontre, Politis, Mediapart et Terra eco. Dans la cible : les mensonges du personnage, ses fautes, ses amis de tous bords, bref son imposture. Inutile de revenir une fois encore sur tous ces travers.
En revanche, deux choses me viennent à l’esprit à l’évocation du cas Allègre. D’abord, le fait que ce Monsieur est un homme du passé. Non pas eu égard à son âge, mais à sa vision de notre monde. M. Allègre semble convaincu que notre civilisation basée sur l’accumulation est durable, et qu’il faut continuer droit devant business as usual. Cette thèse est irresponsable et nuisible à la nécessaire prise de conscience que notre système ne tourne pas rond et qu’il nous envoie dans le mur.
Et puis, M. Allègre et sa place dans les médias montre combien nous, les journalistes, avons péché. Par ignorance, par paresse et par avidité d’audience, de trafic ou de notoriété.
M. Allègre et sa marionnette ne se sont pas construits tous seuls. Nous, les médias, leur avons bien entendu considérablement facilité la besogne. Faire le procès d’Allègre et de ses allégations est certes une chose utile, mais il serait trop confortable de condamner sans préalablement s’interroger. Osons, nous les médias, nous livrer à l’autocritique. Et souhaitons que la grande famille scientifique – la communauté – elle aussi fasse le ménage dans ses rangs. A commencer peut-être par son Académie des sciences, dont M. Allègre est un membre éminent.
Terra eco a tenté à de nombreuses reprises l’organisation d’un débat entre M. Allègre et le Giec, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat. La réponse de l’auteur de L’imposture climatique a été cinglante. A ses yeux, « Cette proposition de débat n’a aucun intérêt, ce dialogue de sourds ayant déjà été tenté ». Mais nous sommes tenaces. Notre proposition de débat tient toujours. Il ne tient qu’à vous M. Allègre.
> La pétition de soutien à Politis
(1) Geneviève Azam, (économiste, université Toulouse-II), Jean-Yves Barrère (économiste, fondateur du Cedetim), Denis Clerc (fondateur d’Alternatives économiques), Benjamin Dessus (économiste, président de Global Chance), Jean Labrousse (ancien directeur de la météo nationale), Gus Massiah (président du Crid), Michel Mousel (ancien délégué aux risques majeurs), Jacques Testart (biologiste)
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Soirée Claude Allègre hier au TEP
Sylvestre Huet, sciences2, mercredi 16 juin 2010
L’initiative organisée hier soir par Politis, Terra Eco et Mediapart au Theâtre de l’Est Parisien a tenu ses promesses. Près de 200 personnes sont venues écouter et débattre avec une douzaine d’intervenants du “cas” Allègre, la science, les médias. Une réunion publique destinée à protester contre la récente plainte en diffamation de Claude Allègre contre un texte paru dans Politis... en juin 2009.
Les propos tenus ont certes souligné quelques informations essentielles, comme le caractère mensonger, calomniateur et diffamatoire du dernier livre de Claude Allègre, mais le débat est allé plus loin. Au delà du “cas”, se posent en effet les délicates questions des relations entre science, expertises, débat public et décisions politiques. Edwy Plenel (Mediapart) a montré que les liens entre les différentes conceptions de ces objets sont souvent plus profonds et structurés que l’on ne l’imagine. Faisant référence à un livre d’entretiens entre Laurent Joffrin et Claude Allègre, publié en 2001 après son éviction du gouvernement de Lionel Jospin, il notait que le géochimiste et ancien ministre y faisant part de sa préférence pour des journalistes qui seraient “non spécialisés”... en raison de sa mauvaise expérience de mes collègues spécialistes de l’éducation qui auraient contrarié ses efforts de réformes, tandis que les éditorialistes les avaient soutenus. Bref, pour Allègre, le meilleur journaliste, c’est celui qui ne connait pas bien le sujet sur lequel il écrit... Bel aveu. Et quel rêve d’un monde où les gouvernants pourraient compter sur une presse porte-micro, abdiquant son rôle social et dont la mission se limiterait à accompagner le discours des pouvoirs.
Voici le texte que j’ai lu lors de cette réunion publique.
« Les titres que Claude Allègre a porté et porte encore sont nombreux. Professeur d’Université, au plus haut grade. Ministre de la République, en charge de l’Education nationale et de la Recherche. Membre de plusieurs Académies des Sciences dont celle du Quai Conti. Titulaire de prix récompensant son action de scientifique, comme le Prix Crafoord ou la médaille d’or du CNRS. Mais Nicolas Machiavel n’affirmait-il pas « Ce n’est pas le titre qui honore l’homme, mais l’homme qui honore le titre » ?
Ces titres obligent donc, comme, paraît-il, noblesse oblige, à des qualités morales et intellectuelles qui ont nom honnêteté, franchise, reconnaissance des erreurs, quête de la vérité – si complexe soit-elle – et combat contre l’ignorance ou le mensonge.
Claude Allègre a fait paraître en début d’année un livre, intitulé « L’imposture climatique », dont la fortune médiatique et le succès de librairie font un objet majeur du débat public sur son sujet : l’évolution du climat présente et future, ses causes et conséquences possibles. Des climatologues ont dénoncé là une « démagogie de la simplicité », des « erreurs et approximations ». Ce n’est pas mal vu, mais bien trop indulgent. Comme s’ils n’arrivaient pas à exprimer sans détours leur véritable analyse. Ou comme s’ils avaient peur, en qualifiant trop nettement le discours de Claude Allègre, de passer pour des sectaires, refusant le débat scientifique normal.
Car ce livre, je l’ai démontré (dans « L’imposteur, c’est lui ») sans que son auteur n’ose le contredire, et la plupart de ses interventions publique sur ce sujet, reposent sur un tissu de mensonges, parfois sophistiqués mais souvent grossiers et factuels, sur des calomnies dont sont victimes des scientifiques réputés ainsi que l’ensemble de la communauté des sciences du climat, et sur des falsifications grossières de données scientifiques publiées.
Ces mensonges, ces calomnies et ces falsifications sont si nombreux que je n’ai pu les recenser toutes en un livre, vous m’excuserez donc de ne vous en livrer que quelques exemples.
Mensonges grossiers sur des faits d’observation le conduisant à décider, seul contre tous les organismes météo, que l’année 2007 fut la plus froide du dernier demi-siècle. Mensonge un poil plus subtil sur les techniques des sciences du climat, lorsqu’il fait croire à ses lecteurs que les ingénieurs de Météo France utilisent pour les prévisions saisonnières les mêmes méthodes que pour la prévision à quelques jours. Ce qui, dans son esprit, convaincra ses lecteurs que les projections à cent ans sont pure folie. Mensonges sur les scientifiques, lorsqu’il enrôle dans son camp les spécialistes du Soleil Thierry Dudok de Witt, Sami Solanki ou Ilya Usoskin, le climatologue Denis Hartmann et bien d’autres. A chaque fois que les journalistes ont vérifié auprès de ces scientifiques s’ils faisaient bien partie des auto-proclamés climato-sceptiques – ils n’ont reçu que des démentis sans ambiguité, accompagné d’une certaine colère devant cet enrôlement forcé.
Mensonges sur le fonctionnement et les textes du Giec – le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – accusé par exemple de gommer les incertitudes liées aux nuages dans les simulations numériques alors qu’on lit dès la page 12 de son dernier résumé pour décideurs qu’il s’agit là – je cite - de « leur principale source d’incertitude ». Mensonges sur les textes officiels publics et accessibles sur le Net, comme ce chiffre de 20% d’ici 2050 censé être les intentions de l’Union Européenne et des États-Unis pour la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Comme l’indiquent clairement les documents envoyés à l’ONU par leurs gouvernements, ces chiffres sont de l’ordre de 80%.
Ne craignant pas le ridicule, Claude Allègre n’hésite pas à dater l’acte fondateur du complot réchauffiste de son invention à 1973, et à l’attribuer à Olof Palme. Oui, ce premier ministre Suédois, mort assassiné en 1986, deux ans avant la création du Giec, quatre ans avant son premier rapport, six ans avant la signature de la Convention Climat de l’ONU. Et que vaut à Olof Palme d’être ainsi décoré du titre de premier comploteur réchauffiste par Claude Allègre, un comploteur si pressé qu’il aurait devancé même les premières alertes des climatologues ? La décision qu’il a fait prendre au Parlement suédois de lancer un programme électro-nucléaire. Cela vous semble fou ? Mais pas plus que cette autre élucubration, faisant de Madame Thatcher un membre éminent de ce complot, dont la preuve résiderait dans sa décision de fermer des mines de charbon... en 1985.
À ces mensonges, Claude Allègre ajoute la calomnie. Calomnie contre le climatologue Jean Jouzel, accusé d’avoir dégradé au rang de technicien un jeune thésard de son laboratoire, Nicolas Caillon, pour avoir fait une découverte qui lui aurait déplu. Ingénieur de recherche au Cnrs, Nicolas Caillon a qualifié de « dégueulasse » cette calomnie. Quant à la découverte, publiée dans Science en 2003, elle a tant déplu à Jean Jouzel qu’il est co-signataire de cet article.
Calomnie contre des chercheurs comme l’Américain Michael Mann ou le Britannique Phil Jones accusés non seulement « d’incompétence » mais d’empêcher l’accès aux données scientifiques ou de truquer leurs analyses afin de duper leurs collègues. Calomnies contre l’ensemble des climatologues, accusés d’avoir constitué - je cite - un « système mafieux et totalitaire » destiné à construire une « imposture scientifique » dans l’objectif de duper l’opinion publique et les gouvernants et tout cela afin de satisfaire leur « appétit de gloire et d’argent ». J’imagine facilement le procès pour diffamation publique auxquels aurait été confronté un journaliste qui se serait permis de telles calomnies à l’égard des chercheurs de l’Institut de physique du Globe de Paris que Claude Allègre a longtemps dirigé.
A ces mensonges et ces calomnies, Claude Allègre ajoute la falsification de données scientifiques. Comme l’ont prouvé les protestations écrites des climatologues Hakan Grudd et Louise Sime, de Suède et de Grande Bretagne, Claude Allègre a introduit de fausses valeurs dans les courbes qu’il leur attribue et qu’il prétend reproduire dans son livre. Ceci afin de fabriquer d’étranges graphiques, destinés à tromper ses lecteurs avec une apparence de science. Une opération qui, publiée dans une revue scientifique, se nomme fabrication de fausses données et constitue la fraude majeure dont un chercheur peut se rendre coupable.
Pris la main dans le sac, Claude Allègre a cru bon de se défendre en affirmant avoir écrit « un livre politique » et non scientifique. Outre que cette défense révèle peut être sa conception de la politique, comment imaginer que dire “je fais de la politique” puisse constituer une excuse pour mentir a relevé le physicien Edouard Brézin.
Menteur récidiviste, calomniateur et faussaire, Claude Allègre déshonore ses titres. Il a rompu, brutalement, avec l’éthique de la recherche et de l’enseignement. Mais puisqu’il veut manifestement participer à ce qu’un éditorial de Nature, le 11 mars dernier, a qualifié de « combat de rues », il peut sembler logique, dès lors, qu’il utilise des méthodes de voyou.
Il peut sembler en revanche assez curieux qu’il ait reçu un accueil aussi favorable par de si nombreux médias, en particulier télévisions et radios, présenté comme portant une parole de grand scientifique digne d’être écoutée. Claude Allègre aura au moins donné un sujet d’étude aux spécialistes des médias, qui auront à s’interroger sur et à élucider les mécanismes qui ont conduit nombre de ces derniers à suivre l’imposteur comme des moutons de Panurge. La toute petite communauté des journalistes spécialisés en science, si elle n’a pas cédé à ce vent mauvais, ne pouvait renverser la situation.
L’initiative de ce soir montre qu’il ne s’agit donc pas seulement de rétablir dans l’espace public l’honneur des scientifiques calomniés, et de fournir aux citoyens des informations honnêtes sur un sujet d’importance majeure. Cet épisode amer pose également la question d’une information de meilleure qualité, plus exigeante, contribuant au débat public et non le pervertissant. Une information qui permettrait le débat politique justement parce qu’elle ne traiterait pas les sciences de la nature comme un objet politique où l’opinion serait reine et les faits accessoires ».
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Ils ripostent à Claude Allègre
Clémence Glon et Florence Chirié, Politis, jeudi 24 juin 2010
Un public nombreux a débattu avec nous du « cas Allègre » et des relations entre politique, médias et sciences. Voici un aperçu des interventions, à retrouver également en son et vidéos.
* * *
Quelque 350 personnes ont répondu, le 15 juin, au Théâtre de l’Est Parisien, à notre invitation pour une soirée de débats organisée en partenariat avec Mediapart et Terra Éco sur le thème : « Politique, médias et science : le cas Allègre ». Le soir même, nous avons franchi le cap des dix mille signatures à notre pétition lancée au lendemain de notre mise en examen consécutive à la plainte de Claude Allègre contre Politis (1). De nombreux scientifiques sont venus témoigner, à la tribune où depuis la salle (2). Voici un aperçu des interventions, que l’on peut aussi retrouver en vidéo sur notre site Politis.fr.
Ingénieur et économiste, coauteur de la tribune incriminée, Benjamin Dessus a rappelé qu’il avait à l’époque jugé « essentiel de dire quelque chose sur la candidature d’Allègre comme ministre dans le gouvernement de Sarkozy […]. Il nous semblait utile de dire à la jeune génération comment était fait ce monsieur. » Benjamin Dessus a regretté qu’aujourd’hui certains faits établis par la science « deviennent objet de négociations. J’ai été surpris de voir l’absence de réactions politiques de droite comme de gauche. Vu cette absence, il était essentiel que les citoyens et les journalistes prennent en main cette question et en discutent. »
Le mathématicien Michel Broué a dénoncé une « imposture patente », et rappelé à titre d’exemple la légèreté avec laquelle Allègre avait affirmé que « les ondes gravitationnelles sont une connerie de théoricien ». « Une démocratie qui donne tant de place à quelqu’un qui se conduit comme un charlatan, a-t-il conclu, est une démocratie malade. » Michel Broué a ensuite donné lecture d’une lettre d’Édouard Brézin, physicien, membre de l’Académie des sciences, qui écrit notamment : « La science est engagée dans un processus collectif où, si la confrontation des idées est indispensable, seule l’honnêteté intellectuelle permet en définitive de corriger les erreurs temporaires inévitables. Le choix des données, leur analyse, les modes de publication appartiennent à l’exigence d’intégrité des professions scientifiques [...]. La perception par la société de la science et de ce que l’on peut en attendre est complètement piétinée par cette attitude [de Claude Allègre, NDLR]. »
Pour la statisticienne Claudine Schwartz, « c’est une entreprise de salubrité publique d’avoir publié la tribune [de Politis] […]. Claude Allègre donne une image déplorable de la science. » Elle a regretté qu’« Allègre intervienne à la fois comme homme scientifique, comme homme politique et comme homme de médias. » « Dans cette même catégorie, a-t-elle poursuivi, il y a Bernard Tapie, Michel Onfray [qui s’attaque à Freud], BHL et Élisabeth Tessier. »
Pour Thomas Heams, biologiste moléculaire, « tout se joue autour de la notion de doute. Allègre aime se faire le chantre du doute fondamental. C’est une posture habile. Nous, chercheurs, nous l’enseignons. Une vérité scientifique n’est pas une vérité révélée, mais elle est consensuelle et admise. Si on refuse cela, on refuse le fondement même de la recherche scientifique. En qualifiant la la climatologie de science trop jeune, Claude Allègre fait tomber le doute et se décrédibilise. »
Sylvestre Huet, journaliste à Libération et auteur du livre L’imposteur, c’est lui. Réponse à Claude Allègre (Stock) rappelle la phrase de Nicolas Machiavel : « Ce n’est pas le titre qui honore l’homme, mais l’homme qui honore le titre. » Le livre d’Allègre « repose sur un tissu de mensonges, sur des calomnies et des falsifications de données scientifiques ». Il cite un florilège de mensonges : « L’année 2007 a été la plus froide », « 20% : ce sont les intentions de l’Union européenne et des États-Unis de réduction des gaz à effet de serre » (le vrai chiffre est 80%) ; la calomnie : contre le climatologue Jean Jouzel ; la falsification : « il a introduit de fausses valeurs dans des courbes. » « Claude Allègre s’est défendu en affirmant que c’était un livre politique plus que scientifique… Mais alors, quelle est sa vision de la politique ? »
Jade Lindgaard, journaliste à Mediapart, prolonge cette réflexion : « Claude Allègre peut dire dans les médias que le réchauffement climatique n’existe pas tout à fait et que le GIEC est une mafia. Il est le symptôme d’un dysfonctionnement médiatique. »
« Toutes les personnes qui ont une carte de presse se sentent mises en examen », a affirmé David Solon, directeur de la rédaction de Terra Éco. Selon lui, « Claude Allègre ne s’est pas construit tout seul, les médias l’ont beaucoup aidé […]. Je comprends la colère et le désarroi de la communauté scientifique », a-t-il conclu.
« Le cas Allègre nous interpelle sur l’état de notre démocratie, a analysé Edwy Plenel, président de Mediapart, il nous interpelle sur ce qui se fabrique pour demain si nous n’y prenons garde. Ce mélange d’imposture scientifique, de force politique et de réseaux médiatiques commence avec son livre Toute vérité est bonne à dire. Nous sommes ici pour défendre notre métier, pour défendre notre légitimité démocratique. Il y a un enjeu de retrouver le collectif. Notre profession est profondément responsable de la diffusion de la science. » Edwy Plenel a proposé que les acteurs de cette soirée prolongent leur initiative en lançant un appel à la communauté scientifique et aux journalistes.
Bernard Legras, climatologue, directeur de recherche au CNRS, au laboratoire de météorologie dynamique de l’ENS, évoque l’homme lige d’Allègre, Vincent Courtillot, qui joue « la carte de la respectabilité. » Il est pourtant l’auteur d’une « litanie d’erreurs et de manipulations ».
Patrick Piro, de Politis, estime que cette affaire nous interpelle « sur la manière dont nous menons les débats dans notre société. […] Allègre va nous permettre de réfléchir autour des pouvoirs qu’il représente. »
Sébastien Balibar, physicien et directeur de recherche au CNRS, au laboratoire de physique statistique de l’ENS, se sent pour sa part « blessé par ces événements ». « Contrairement à Claude Allègre, dit-il, les scientifiques doutent en permanence. Le doute est inhérent à la démarche scientifique. » « J’ai honte qu’un tel personnage puisse être considéré comme un de mes collègues […]. Ceux qui ne respectent plus les règles d’éthique de la science sont exclus à échéance. C’est ce qui arrive, ou va arriver, à Claude Allègre. Depuis trente-quatre ans, les preuves s’accumulent que Claude Allègre n’est plus un scientifique. » « Il fait preuve d’une autosatisfaction névrotique. » « J’espère vivement que la justice aura la clairvoyance de débouter Claude Allègre de sa plainte contre Politis. »
En conclusion, Denis Sieffert, directeur de la rédaction de Politis, s’interroge : « Pourquoi, malgré ce florilège de mensonges, ces flagrants délits qui ont été pointés, Claude Allègre continue-t-il son chemin ? Si Allègre est toujours là, droit dans ses bottes, c’est sans doute qu’il exprime quelque chose de très profond qui le dépasse. Ce qui fait tenir Allègre dans cette société, c’est qu’il dit aux gens : “Ne changez rien.” C’est une force de conservatisme extraordinaire, de conservatisme social, de conservatisme dans les comportements individuels […]. Il remplit une fonction sociale et une fonction politique qui le dépassent. »
Notes
(1) Claude Allègre a porté plainte pour « diffamation publique » après la parution, dans Politis n° 1057, d’une tribune cosignée par huit scientifiques, économistes et responsables associatifs (Cf. Politis n° 1103).
(2) Le mathématicien Étienne Klein et le climatologue Jean Jouzel, notamment, étaient parmi nous.
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