Le débat sur la transition énergétique en France mérite mieux que des effets d’estrade, des omissions majeures et des propos démagogiques basés sur des chiffres sans fondements. Une tribune de Benjamin Dessus, publié par le site d’information en ligne Rue89 le mardi 29 novembre 2011.
On avait bien compris depuis quelques jours que Nicolas Sarkozy avait décidé de faire de la défense du nucléaire un axe majeur de clivage avec François Hollande pour la campagne présidentielle.
Rien d’étonnant donc au plaidoyer de Tricastin. Tous les arguments traditionnels des pro-nucléaire, même les plus contestables, y sont naturellement passés : de l’indépendance nationale aux économies de pétrole, de la compétitivité économique à la sauvegarde de l’emploi.
Dix fois plus de CO2 émis par l’Allemagne ?
Mais pourquoi le Président ne peut-il s’empêcher, pour appuyer ses dires, de produire des chiffres régulièrement très faux, souvent d’un ordre de grandeur ? Est-ce l’impunité que semble lui garantir sa position et la faible pugnacité des médias ? Est-ce la présence à ses côtés d’une ministre de l’Environnement polytechnicienne qui approuve silencieusement ses propos de hochements de tête ?
Un exemple parmi d’autres dans son discours de Tricastin de vérité assénée pour faire trembler le bon peuple à l’idée de toucher un cheveu nucléaire :
« Savez-vous que l’économie français aujourd’hui émet dix fois moins de CO2 dans l’atmosphère que l’Allemagne ? »
Un chiffre invraisemblable
En 2008, l’économie allemande émettait 920 millions de tonnes équivalent CO2 et la France 517, soit 1,78 fois moins, selon Eurostat. Mais cette même économie allemande, pour assurer le bien être de 82 millions d’habitants (contre 62,5 en France métropolitaine) produisait 32% de biens et services de plus que la France.
Par tête d’habitant, l’économie allemande a donc émis 35% de plus de CO2 que la France. Pourquoi alors annoncer ce chiffre faux et complètement invraisemblable de 1 000% ?
Nos « amis japonais »
Notons, par ailleurs, que Nicolas Sarkozy n’a pas un seul mot sur la question des accidents majeurs, celle qui est à coup sûr la principale préoccupation de la majorité de Français qui souhaiteraient sortir du nucléaire et qui est la première justification des projets politiques alternatifs. Cette éventualité est totalement éliminée de son discours.
Nous sommes pour lui en effet tellement meilleurs que nos « amis japonais » que ce n’est pas même la peine d’en parler. Il suffit alors de quelques chiffres plus ou moins bidons et d’une bonne dose de démagogie locale pour boucler l’affaire sous les applaudissements frénétiques de l’assemblée.
Ne croyez-vous pas pourtant que le débat sur la transition énergétique en France mériterait mieux que des effets d’estrade, des omissions majeures et des propos démagogiques fondés sur des chiffres sans fondement ?
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