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Tribune publiée par Le Monde
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l’austérité, un piège antirelance
Au risque de provoquer des bouleversements économiques et sociaux de grande ampleur, la réponse de l’Europe à la crise ne peut se limiter à l’austérité budgétaire et aux réformes structurelles. L’Europe a besoin de relancer la création d’emplois et la croissance via une réforme de son économie et doit, parallèlement, s’attaquer à des enjeux mondiaux de long terme, comme la rareté des ressources et le changement climatique.
Premier importateur net de ressources par habitant, l’Europe est très vulnérable aux chocs sur les marchés mondiaux. Des “mégatendances” qui ne sont pas étrangères à la crise actuelle se dessinent, conjuguant rareté, hausse des prix et concurrence pour les ressources. Les réactions asymétriques au renchérissement de l’énergie et des matières premières entre 2005 et 2008 en sont les signes avant-coureurs. Elles ont contribué à la crise européenne : certains pays européens étaient mieux armés pour faire face à cette flambée des prix ; d’autres ont maintenu leur croissance en creusant leur déficit commercial et leur endettement, public et privé.
Tout miser sur l’austérité et les réformes structurelles ne permettra ni de créer des emplois, ni d’assainir les finances publiques, ni de jeter les bases d’une prospérité sur la durée. En revanche, l’investissement dans “l’économie verte” a le potentiel de réconcilier ces impératifs aux horizons temporels différents.
A court terme, les Etats doivent faire redémarrer la croissance, sinon l’endettement deviendra intenable. Dans certaines régions d’Europe, le capital et le travail sont inemployés. C’est donc le moment d’investir dans des actifs productifs à long terme tout en réduisant les déséquilibres intra-européens. L’utilisation efficiente des ressources constitue l’un des moteurs de la compétitivité et de la résilience économique de demain. Aucun autre secteur n’offre une telle logique d’échelle, d’opportunité et de nécessité. Il suffit d’initiatives publiques pour remédier aux dysfonctionnements du marché pour déclencher des investissements massifs dans l’infrastructure verte en Europe, favorisant croissance et emploi au niveau local, pour le plus grand bénéfice de toute la région. L’Europe pourrait instaurer un fonds pour l’infrastructure verte, garanti par des flux de recettes dédiés comme une taxe sur les transactions financières ou les revenus du marché carbone, qui seraient à même de financer des investissements significatifs.
Les Etats doivent également assainir leurs finances. La réforme fiscale écologique offre une occasion de rétablir les comptes publics en évitant de comprimer la demande et de provoquer des troubles sociaux. En transférant les prélèvements excessifs opérés sur le travail vers la consommation de ressources sous-taxées, on créera des incitations à l’emploi et on maintiendra les salaires réels, créant un cercle économique vertueux. Des problèmes d’équité plus vastes peuvent être ainsi traités.
Enfin, il faut saisir cette opportunité pour créer les conditions de la croissance à long terme. L’Europe ne peut pas rivaliser avec les économies émergentes en n’agissant que sur les prix. A l’ère de la rareté et de la concurrence, l’innovation tient à l’évidence un rôle central. C’est sur l’innovation verte que l’Europe doit miser afin de réduire son exposition aux chocs des ressources et de renforcer sa position au marché croissant des technologies vertes. Le budget européen et les plans de réforme nationaux doivent réserver en priorité les aides aux industries innovantes et capables de dégager des bénéfices à l’échelle européenne.
Un court-termisme malavisé contiendrait les germes des crises de demain. L’Europe doit articuler sa politique autour d’un plan cohérent visant à développer une économie verte et innovante. C’est en faisant preuve de résilience ainsi qu’en se dotant de l’infrastructure et du capital intellectuel dont elle a besoin pour prospérer dans la durée qu’elle créera des emplois et fera repartir la croissance.
Laurence Tubiana, directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales et professeure à Sciences Po, France
Nicholas Stern, London School of Economics and Political Science, Royaume-Uni
Teresa Ribera, ancienne secrétaire d’Etat chargée du changement climatique, 2008-2011, Espagne
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(encadrés = résumés au survol)
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