Les prévisions officielles de demande d’énergie à 2020 pour la France. Partie 2 : quels enseignements ?

, par   Bertrand Château

Article repris de la Revue de l’Energie N° 653

Introduction

La comparaison des prévisions officielles de demande d’énergie pour la France à l’horizon 2020 avec les évolutions réelles (partie 1) a montré trois faits importants :
  La hausse de la consommation d’énergie finale a été limitée à 8% entre 1992 et 2019, malgré une hausse du PIB de 55% entre temps, ce qui constitue une rupture majeure par rapport aux évolutions historiques antérieures ;
  Les prévisions visant à explorer les conséquences politiques des exigences environnementales, liées notamment au changement climatique, ont anticipé en partie cette évolution atypique de la consommation d’énergie, malgré quelques problèmes d’appréhension de certaines dynamiques économiques sectorielles, notamment dans les transports ;
  Leur comparaison avec les prévisions « tendancielles » suggère que les inflexions de politique énergétique, relatives à l’efficacité énergétique et aux substitutions aux combustibles fossiles, ont fortement contribué à ces évolutions.
Cette comparaison conforte plutôt la pertinence de la méthodologie utilisée et jette surtout un éclairage intéressant sur le rapport historique entre prévision et prise de décision depuis le milieu des années ‘90. Dix années plus tôt, des écarts considérables avaient été constatés entre les prévisions de demande énergétique à l’horizon 1985 (émises depuis 1970) et la réalité observée, tant pour la demande totale que pour la demande d’électricité. Ils montraient comment des extrapolations trop normatives, trop éloignées de la réalité de la transformation du contexte économique et social en cours, avaient justifié des investissements beaucoup trop importants au regard des besoins réels. Depuis, les choses ont beaucoup évolué, notamment sur le plan méthodologique. Le rapport de la prévision à la décision s’est fortement transformé sur deux aspects.
  La reconnaissance de la nécessité de considérer la pluralité des futurs dans la décision, qui s’est traduite par le recours à de véritables scénarios au lieu d’une seule prévision, modulée uniquement sur le taux de croissance de l’économie.
  L’effacement progressif de la vision « normative » de la prévision, dont la fonction première était d’afficher une cohérence avec des décisions prises sur d’autres critères, notamment industriels.
Cette deuxième partie de l’article est centrée sur la question du rapport de la prévision à la décision que pose l’examen des prévisions présentées en première partie. En premier lieu, on soulèvera la question préalable de la robustesse des prévisions en tant qu’outil d’aide à la décision. On examinera ensuite la question de la cohérence entre l’évaluation ex-ante des impacts attendus des politiques à mettre en œuvre, telle que permise par les exercices prévisionnels, et les résultats effectivement constatés de ces politiques.