Si l’on en croit la “com” des autorités françaises face aux accidents nucléaires en cours au Japon, nous serions à l’abri de ce type de scénario-catastrophe grâce à l’excellence de “notre” filière nucléaire. Il n’en est rien, comme le rappelle Benjamin Dessus, président de Global Chance.
Les Échos, vendredi 18 mars 2011
La communication des autorités françaises sur les accidents nucléaires en cours au Japon s’articule principalement sur l’idée que des événements tout à fait exceptionnels, et totalement improbables en France, en sont à l’origine. Nous n’imaginons guère en effet en France ni de séisme d’amplitude 8,9 ni de tsunami avec des vagues de 15 mètres sur nos côtes. Mais en inférer, comme elles le font, que ce genre d’accident est pour les autres, est pour le moins rapide. Quelle est en effet la séquence qui a provoqué cette série d’accidents dont on ne connaît pas encore l’issue ?
Arrêt automatique d’un réacteur à la suite d’un incident (là, la secousse sismique), comme cela arrive plusieurs fois par an dans le parc français pour bien d’autres raisons. Perte de l’alimentation électrique extérieure de la centrale et donc des pompes de refroidissement, mais qui peut fort bien se produire pour de tout autres raisons en France (sabotage ou chute de ligne haute tension, etc.). Enfin refus de démarrer des diesels de secours (là, submergés par le tsunami, ici, comme à la centrale du Blayais en Gironde, pendant la tempête de 1999) mais qui peut fort bien se produire pour de nombreuses autres raisons. Sans compter qu’on a appris, il y a quelques jours, que dans 8 des réacteurs français des pièces essentielles des diesels de secours, « les coussinets », étaient défectueuses et que dans 34 réacteurs du parc nucléaire français, le système d’injection de secours pouvait ne pas fonctionner avec la précision requise par la sûreté nucléaire. Mais cela s’est arrêté là, sans qu’on semble le moins du monde en tirer les précautions d’urgence à prendre.
Enfin, l’affirmation du ministre de l’Industrie selon laquelle « nous », Français, avons pris toutes les précautions, depuis l’origine vis-à-vis des séismes et des inondations (au contraire des Japonais ?), outre qu’elle fait sourire évidemment certains, ne répond évidemment pas aux interrogations précédentes.
Une Autorité de sûreté qui ne s’inquiète pas outre mesure de défauts génériques qui pourraient conduire à des catastrophes, un ministre de l’Industrie qui préfère fermer les yeux et s’abriter derrière l’Autorité de sûreté, une ministre de l’Environnement manifestement entravée par la solidarité gouvernementale. Si on y ajoute un immobilisme et un silence assez assourdissant des responsables des deux grands partis de la majorité et de l’opposition sur cette question de sécurité de leurs concitoyens, on comprend le malaise ressenti par l’homme de la rue.
Ce n’est sûrement pas en se contentant de « communiquer » avec hauteur sur l’excellence spécifique d’une technologie nucléaire française qui nous mettrait à l’abri de tout problème, mais en mettant les informations sur la table, en admettant d’ouvrir le débat, en mettant d’urgence au point un plan Orsec de réponse à une crise nucléaire majeure du genre de celle que connaissent les Japonais aujourd’hui, en mettant en discussion des scénarios alternatifs qui se passeraient, à terme, de nucléaire, que nos gouvernants et nos élus rempliraient leur rôle.
Benjamin Dessus est président de l’association Global Chance, co-auteur du rapport au Premier ministre Jospin « Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire »
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