« L’Europe doit rendre l’accord de Paris sur le climat inéluctable »

, par   Laurence Tubiana

Cheville ouvrière de la COP21, l’économiste Laurence Tubiana, estime dans une tribune publiée par Le Monde que l’Union européenne peut offrir une véritable alternative à l’indécision de l’administration américaine.

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Laurence Tubiana : « L’Europe doit rendre l’accord de Paris sur le climat inéluctable »
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« L’EUROPE DOIT RENDRE L’ACCORD
DE PARIS SUR LE CLIMAT INÉLUCTABLE »

Laurence Tubiana, LeMonde.fr, mercredi 24 mai 2017

Dans une tribune au « Monde », l’économiste, cheville ouvrière de la COP21 (*), estime que l’UE peut offrir une véritable alternative à l’indécision de l’administration américaine.


Le nouveau président français Emmanuel Macron s’est entretenu avec de nombreux chefs d’État depuis son élection. Lors de ces échanges, il a souligné l’importance de l’accord de Paris sur le climat et de l’urgence de sa mise en œuvre.

Cet accent mis sur le climat au plus haut niveau est le bienvenu, car le temps presse : face aux atermoiements de Donald Trump sur le maintien ou le retrait des États Unis de l’accord de Paris, il faut engager une nouvelle vague de mobilisation internationale. Il est de la responsabilité de la France, avec ses partenaires européens et en premier lieu l’Allemagne, de nouer les alliances et de lancer les initiatives qui rendront inéluctable sa mise en œuvre.

Les échéances politiques à très court terme que sont les sommets du G7 en Italie, vendredi 26 et samedi 27 mai, puis du G20 en Allemagne en juillet, seront l’occasion d’affirmer quatre engagements : d’abord, cesser – pour de bon – de subventionner les énergies fossiles, et donner enfin un prix ou une valeur au carbone pour réorienter les investissements ; présenter, avant 2020, des stratégies nationales de décarbonation de l’économie à l’horizon 2050 compatibles avec l’objectif de l’accord de Paris de contenir le réchauffement en dessous de 2 °C ; pousser les investisseurs à révéler leur exposition aux risques financiers liés au climat et à présenter des stratégies de décarbonation de leurs activités ; enfin, accroître le financement public en termes de recherche et développement dans le domaine des énergies zéro carbone.

Accélérer la transition énergétique

Ces deux sommets seront l’occasion de montrer que le monde n’attend pas les États-Unis pour avancer, et de faire comprendre que l’Europe peut offrir une véritable alternative, qu’elle n’a pas de modèle à imposer, mais une expérience à partager et à construire avec ceux qui veulent aller plus vite.

Plusieurs pays ont déjà montré leur adhésion à ce modèle de leadership partagé. C’est le cas de la Chine, dont le président ne s’est pas contenté de réaffirmer son attachement à l’accord de Paris : il a pris, depuis décembre 2015, une série de mesures, en particulier sur le charbon et les énergies renouvelables, qui ont déjà eu un profond impact sur les émissions de gaz à effet de serre. La Chine, qui s’est engagée à stabiliser puis à diminuer ses émissions autour de 2030, semble être en passe d’y arriver dès aujourd’hui, avec plus de dix ans d’avance.

Barack Obama avait construit avec Pékin une relation forte sur le climat, faite de dialogue politique et de coopération industrielle. Il s’agit aujourd’hui pour le couple franco-allemand, et avec lui l’Europe, de proposer à la Chine et à l’Inde une alliance stratégique du même ordre, avec pour objectif d’accélérer la transition énergétique en abaissant rapidement le coût des technologies propres. Nombreux sont les secteurs, comme les énergies renouvelables et les réseaux intelligents, le bâtiment, et l’automobile, qui peuvent bénéficier de ces innovations et de nouveaux marchés.

Un vide, une opportunité

L’indécision de l’administration Trump crée un vide. L’Europe doit saisir cette opportunité de redevenir un acteur diplomatique de premier plan. En effet, si l’accord de Paris est entré en vigueur, beaucoup reste à faire pour atteindre ses objectifs. L’Europe doit assumer son rôle de leader pour construire une nouvelle mobilisation mondiale et pousser tous les pays à relever leur niveau d’ambition, car aucun ne le fera de façon isolée.

L’Europe a été au cœur de la campagne présidentielle française, et l’élection d’Emmanuel Macron a été un soulagement pour les capitales de l’Union. Il fallait du courage pour mener campagne sur la relance du projet européen face aux populistes.

Il faut maintenant proposer une vision et passer de la parole aux actes pour redessiner le projet européen, en faire un rempart contre l’extrémisme et un outil au service de ceux qui subissent la mondialisation plus qu’ils n’en bénéficient.

Lors de leur rencontre, Angela Merkel et Emmanuel Macron se sont mis d’accord pour ouvrir une nouvelle discussion sur l’avenir de l’Europe. Il est essentiel que les enjeux liés à la transition énergétique et à la lutte contre le changement climatique soient au cœur de ce débat, qui doit permettre aux citoyens de se réapproprier le projet européen, et à l’Europe de redevenir une terre d’innovation et de solidarité.

Un outil d’indépendance

L’Europe est en effet à l’aube d’une grande transition énergétique qui peut être un formidable projet d’avenir, et un outil d’indépendance face au retour sur la scène géopolitique des puissances pétrolières et gazières, Russie et États-Unis en tête.

La séquence internationale qui s’ouvre constitue ainsi une occasion unique pour construire, main dans la main avec l’Allemagne, une Europe de l’énergie et du climat capable de protéger ses citoyens des désordres climatiques, de former ses travailleurs aux emplois de demain, et d’investir dans les infrastructures nécessaires à la transition, notamment à travers le nouveau plan « Juncker » d’investissement pour l’Europe.

Le G7 peut être le test grandeur nature de cette détermination franco-allemande, pour que l’Europe joue à nouveau son plein rôle sur la scène mondiale.

Laurence Tubiana
Directrice générale de la European Climate Foundation, professeure à Sciences Po

(*) À partir de 2014, l’économiste Laurence Tubiana a été chargée de préparer et de construire l’accord international sur le climat adopté à Paris, le 12 décembre 2015, à l’issue de la 21e Conférence des parties (COP21). Désignée « championne » du climat par Laurent Fabius en janvier 2016, l’ambassadrice française des négociations climatiques a suivi la première année de mise en œuvre de l’accord jusqu’à la COP22, en novembre 2016 à Marrakech, au Maroc.

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