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• Préambule : So far, so good ? (*)
• Bienvenue en anthropocène : Petite intro vidéo en 2 minutes chrono (*)
• Natacha Gondran et Aurélien Boutaud : Bienvenue dans l’anthropocène ?
• Pour aller plus loin : Changer de paradigme... | Les Dossiers de Global-Chance.org
(*) Sélection : rédaction de Global-Chance.org
SO FAR, SO GOOD ?
« ... l’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »
(La Haine, Mathieu Kassovitz, 1995)
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« bienvenue en anthropocène » :
PETITE INTRO VIDÉO EN 2 MINUTES CHRONO
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BIENVENUE DANS L’ANTHROPOCÈNE ?
l’humanité confrontée aux limites de la biosphère
Natacha Gondran et Aurélien Boutaud, in « La future métropole vue par 50 contributeurs », Grand Lyon prospective, mars 2014, pp. 160-164
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Bien au-delà du seul climat, plusieurs autres équilibres écologiques majeurs présentent des seuils qui, pour certains d’entre eux, seraient sur le point d’être dépassés. De nombreux sous-systèmes biophysiques réagissent en effet de façon non-linéaire, souvent brutale, et sont particulièrement sensibles lorsque l’on s’approche de niveaux seuils pour certains paramètres. Les conséquences risquent alors d’être irréversibles et pourraient, dans certains cas, conduire à des changements environnementaux démesurés.
Plan de l’article
Pour la première fois dans l’histoire de notre planète, une espèce est aujourd’hui devenue à elle seule le principal moteur de modification de la biosphère. Cette espèce, c’est évidemment homo sapiens. Depuis la révolution industrielle, l’homme moderne a en effet profondément modifié les conditions qui avaient permis à l’écosystème de la terre de se maintenir dans un état stable durant les 10 000 dernières années - période que les géologues appellent l’Holocène, et qui a notamment vu la naissance de l’agriculture. Pour de nombreux scientifiques, il est aujourd’hui clair que les effets de l’activité humaine sur la nature sont devenus si importants qu’ils nous font entrer dans une nouvelle ère géologique : ce que le climatologue et prix Nobel de chimie Paul Crutzen propose d’appeler l’Anthropocène (Crutzen, 2002).
Des limites écologiques planétaires à ne pas dépasser
Ces changements écologiques d’ampleur planétaire posent toutefois de nombreuses questions auxquelles les scientifiques ont parfois du mal à répondre. Parmi ces questions, les plus préoccupantes touchent à l’incertitude et à l’irréversibilité de certains impacts de l’activité humaine sur la biosphère. Ainsi, depuis quelques années, plusieurs articles publiés dans des revues aussi prestigieuses que Nature, et cosignés par plusieurs dizaines de scientifiques de renom, alertent sur les risques d’un effondrement global de la biosphère du fait d’un dépassement de certains seuils écologiques planétaires.
Pour Johan Rockström et ses collègues (2009), par exemple, il est clair que certains sous-systèmes biophysiques présentent des limites qui ne devraient pas être dépassées, sous peine de voir notre vaisseau planétaire dériver vers des conditions potentiellement désastreuses pour la vie humaine. Ces auteurs pensent qu’il devient urgent de préserver un espace de fonctionnement sécurisé (safe operating space) pour l’humanité, afin d’assurer le maintien de l’équilibre des processus et sous-systèmes biophysiques planétaires.
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Le climat… mais pas seulement
Pour le grand public, l’idée d’un bouleversement écologique planétaire se limite bien souvent à la question du changement climatique, dont les médias se font régulièrement l’écho. Pourtant, bien au-delà du seul climat, plusieurs autres équilibres écologiques majeurs présentent des seuils qui, pour certains d’entre eux, seraient sur le point d’être dépassés. De nombreux sous-systèmes biophysiques réagissent en effet de façon non-linéaire, souvent brutale, et sont particulièrement sensibles lorsque l’on s’approche de niveaux seuils pour certains paramètres. Les conséquences risquent alors d’être irréversibles et pourraient, dans certains cas, conduire à des changements environnementaux démesurés.
Même si tous les processus ou sous-systèmes naturels ne font pas l’objet de seuils clairement établis, les actions humaines qui dégradent leur résilience augmentent le risque que ces seuils soient dépassés dans d’autres domaines. Par exemple, la dégradation de la qualité des sols et des masses d’eau peut rendre les systèmes plus sensibles aux changements climatiques. Johan Rockström et ses collègues ont ainsi défini neuf processus pour lesquels des limites planétaires à ne pas dépasser peuvent être définies : le changement climatique, le taux de perte en biodiversité (terrestre et marine), l’interférence entre les cycles de l’azote et du phosphore, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’acidification des océans, l’utilisation planétaire d’eau douce, le changement d’affectation des sols, la charge en aérosols atmosphériques et la pollution chimique. Ces neuf limites sont représentées sur le graphique ci-dessous et précisées dans le Tableau 1.
Figure 1. Au-delà des limites (Rockström et coll. 2009).
La zone verte représente l’espace de fonctionnement sécurisé pour les neufs thèmes définis.
Avec l’autorisation de Macmillan Publishers Ltd : Nature, « Approaching a State Shift in Earth/’s Biosphere », copyright 2012.
Tableau 1. Les limites de la planète (traduit de (Rockström et coll. 2009))
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Plusieurs limites planétaires déjà dépassées, d’autres sur le point de l’être
L’analyse de Rockström et ses collègues (2009) montre que les limites de la planète sont déjà dépassées pour trois grands domaines : le changement climatique, le taux de disparition de la biodiversité et les interactions avec le cycle de l’azote. On s’approche également dangereusement des limites en ce qui concerne l’utilisation d’eau douce, les interactions avec le cycle du phosphore, le changement d’affectation des terres et l’acidification des océans. Ces dépassements ne pourront pas se prolonger indéfiniment sans éroder significativement la résilience des principaux composants qui garantissent le fonctionnement actuel du système terre. Ces différentes limites sont de surcroît intimement liées les unes aux autres. Par exemple, transgresser les limites d’acidification des océans ainsi que celles des cycles de l’azote et du phosphore limitera, à terme, la capacité des océans à absorber le carbone atmosphérique. Le changement d’affectation des terres contribue au changement climatique, mais il réduit également la résilience des systèmes locaux face aux changements globaux. Et ainsi de suite.
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Agir au plus vite pour éviter l’effondrement
La probabilité d’un effondrement planétaire futur est donc forte, même s’il y a encore beaucoup d’incertitudes quant à son caractère inévitable et à son échéance. Les ressources biologiques dont nous dépendons subissent des transformations rapides et imprévisibles à l’horizon de quelques générations humaines. Les principaux facteurs à l’origine de ces impacts planétaires sont la croissance de la population mondiale, et surtout celle de la consommation des ressources qui y est associée, la transformation et la fragmentation des habitats naturels des animaux, la production et la consommation d’énergie et le changement climatique. Anticiper ces risques, à l’échelle planétaire et locale, est devenu crucial pour assurer l’avenir des écosystèmes ainsi que des sociétés humaines qui en dépendent. Cette anticipation nécessite non seulement des travaux scientifiques, mais aussi la volonté de la société de prendre en compte ces risques d’instabilité biologique afin d’établir des stratégies visant à conforter la pérennité du bien-être humain. (Barnosky et coll., 2012)
Au niveau de la société, le consensus semble être acquis à la cause des chercheurs : éviter les risques d’effondrement nécessite de limiter conjointement la croissance de la population mondiale et l’utilisation de ressources par personne. Il faudrait pour cela améliorer l’efficacité énergétique, accroître rapidement la part d’énergie non fossile dans les consommations énergétiques mondiales, améliorer l’efficacité de la production et de la distribution alimentaire et préserver davantage de réserves naturelles de biodiversités et de services écosystémiques plutôt que de défricher de nouveaux espaces ou puiser dans les espèces sauvages. Anthony Barnosky et ses collègues le disent sans détour : « ces tâches sont énormes, mais elles sont vitales si le but de la science et de la société est d’amener la biosphère vers des conditions souhaitables plutôt que vers des conditions qui nous menacent à notre insu. » (Barnosky et coll., 2012)
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Vers une politique de l’Anthropocène ?
Ces constats sont corroborés par le dernier rapport Global Environment Outlook (GEO-5), produit au cours d’un processus de plus de trois ans et impliquant plus de 600 experts du monde entier (UNEP, 2012). Pour le GEO-5, un monde durable doit viser simultanément des objectifs de bien-être humain et de durabilité écologique aux niveaux planétaire, régional et local. Sa vision repose sur l’hypothèse que, d’ici 2050, tous les hommes pourront avoir accès à de la nourriture, de l’eau potable, des installations sanitaires et des sources modernes d’énergie, tout en respectant les limites écologiques planétaires. Pour y parvenir, l’UNEP appelle à des mesures structurelles et une action politique forte visant à modifier les modes de production et de consommation. Ces changements doivent non seulement reposer sur des mesures technologiques, financières et de gouvernance, mais doivent également orienter les modes de vie et les mentalités vers une plus large prise en compte des valeurs de durabilité et d’équité. L’UNEP précise que des transformations aussi complexes nécessiteront un fort niveau de consensus et de coordination entre les divers acteurs sociaux, ainsi qu’une forte gouvernance et détermination politiques (UNEP, 2012). Reste à savoir si ces dernières sauront être à la hauteur des enjeux, puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’inventer une politique de l’Anthropocène.
Natacha Gondran (*) et Aurélien Boutaud (**)
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(*) Natacha Gondran est enseignante-chercheur à l’institut Fayol de l’École nationale supérieure des Mines de Saint-Etienne et membre de l’UMR 5600 Environnement, Ville, Société.
(**) Aurélien Boutaud est consultant, et chercheur indépendant, spécialisé dans la mise en œuvre et l’évaluation des politiques liées à l’environnement, au développement soutenable et à la transition écologique.
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Références
Barnosky, A., D., Hadly, E., A., Bascompte, J., Berlow, E., Brown, J., Fortelius, M., Getz, W., Harte, J., Hastings, A., Marquet, P., Martinez, N., Mooers, A., Roopnarine, P., Vermeij, G., Williams, J., Gillespie, R., Kitzes, J., Marshall, C., Matzke, N., Mindell, D., Revilla, E. & Smith, A. 2012, « Approaching a State Shift in Earth/’s Biosphere », Nature, vol. 486, no. 7401, pp. 52-58.
Crutzen, P. J. 2002. « Geology of mankind : the Anthropocene », Nature, n°415, p. 23
Rockström, J., Steffen, W., Noone, K., Persson, Å., Chapin, F.S., Lambin, E.F., Lenton, T.M., Scheffer, M., Folke, C., Schellnhuber, H.J., Nykvist, B., Wit, C.A.d., Hughes, T., Leeuw, S.v.d., Rodhe, H., Sörlin, S., Snyder, P.K., Costanza, R., Svedin, U., Falkenmark, M., Karlberg, L., Corell, R.W., Fabry, V.J., Hansen, J., Walker, B., Liverman, D., Richardson, K., Crutzen, P. & Foley, J.A. 2009, « A safe operating space for humanity », Nature, vol. 461, no. 7263, pp. 472-475.
UNEP - United Nations Environment Programme, 2012. GEO 5 Global Environment Outlook - Environment for the future we want. UNEP, Nairobi.
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