Différences significatives entre la toxicité des matières radioactives des combustibles UOx et MOx irradiés Cahier d’acteur versé au Débat public Programme national de gestion des matières et déchets radioactifs 2019-2021

Selon Orano, « le recyclage diminue jusqu’à 10 fois la toxicité intrinsèque des déchets, grâce au recyclage du plutonium » présent dans le combustible usé. Les toxicités des produits de fission étant sensiblement identiques dans les produits de fission des combustibles irradiés UOx et MOx, cette déclaration conduit à comparer la radiotoxicité des transuraniens des combustibles irradiés, à caractéristiques de combustion et de temps de refroidissement identiques. Cette radiotoxicité des transuraniens est en effet un élément essentiel dans la gestion d’un site de stockage des déchets ultimes (notamment en cas de fuites ou d’intrusion) comme lors d’un accident de réacteur avec non-maîtrise des rejets aériens (à l’image de l’accident de Tchernobyl). Or, il apparaît, par rapport au combustible UOX traditionnel et pour une même énergie thermique fournie, que le recyclage du plutonium sous forme de combustible MOx, en plus de son important surcoût, augmente significativement, l’activité des actinides mineurs émetteurs alpha à vie longue et donc la toxicité potentielle des matières nucléaires dans le stockage définitif...

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Global Chance Différences significatives entre la toxicité des matières radioactives des combustibles UOx et MOx irradiés
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DIFFÉRENCES SIGNIFICATIVES ENTRE LA TOXICITÉ DES MATIÈRES
RADIOACTIVES DES COMBUSTIBLES UOX ET MOX IRRADIÉS

Global Chance, Cahier d’acteur versé au Débat public Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2019-2021, lundi 24 juin 2019, 4 pages

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PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROPOS DE GLOBAL CHANCE

Selon Orano, « le recyclage diminue jusqu’à 10 fois la toxicité des déchets, grâce au recyclage du plutonium présent dans le combustible usé. » [Orano 2018] page 9.

Les toxicités des produits de fission étant sensiblement identiques dans les produits de fission des combustibles irradiés UOx et MOx, cette déclaration nous conduit à comparer la toxicité des transuraniens des combustibles irradiés à caractéristiques de combustion et de temps de refroidissement identiques.

Cette radiotoxicité des transuraniens est un élément essentiel dans la gestion d’un site de stockage des déchets ultimes ou d’un accident de réacteur avec non-maitrise des rejets aériens, comme l’a démontré l’accident de Tchernobyl. Il l’est également dans l’hypothèse d’une intrusion involontaire dans le site de stockage.

BILANS MASSE ET ACTIVITÉ DES TRANSURANIENS
DANS LES COMBUSTIBLES IRRADIÉS UOX ET MOX

Nous avons considéré des assemblages combustibles UOx (3,7%) et MOx (8,65% de Pu), avec un taux de combustion de 45 GWj/t et un temps de refroidissement de 3 ans. Le calcul des activités produites dans le combustible MOx a été réalisé par l’IRSN au moyen du "Code César 4". Celles relatives au combustible UOx proviennent des données du GRNC (1). Ces activités sont rapportées dans le tableau n°1. Les masses de radionucléides produites sont déduites des activités formées en utilisant les valeurs d’activités massiques correspondantes.


Tableau n° 1 : Teneurs comparées en plutonium, neptunium, américium et curium des combustibles UOx et MOx usés, après 3 ans de vieillissement


Nota : Les "gramme par tonne" ne concernent que le métal lourd (U, Pu et AM) présent ou formé dans les assemblages combustibles. Source : [Guillemette 2013]

Accès à la note « Période (2) »


Le tableau n°1 montre que l’activité totale des plutoniums et des actinides mineurs d’un assemblage combustible MOX est 8,8 fois supérieure (41 981 TBq/t / 4 769 TBq/t) à celle d’un UOx, pour un taux de combustion de 45 GWj/t et un refroidissement de 3 ans.

Discussion : La comparaison pourrait se faire pour des temps de refroidissement plus long que trois ans, mais cela ne conduira pas à des modifications significatives compte tenu du fait que les radionucléides qui présentent les activités les plus importantes (238Pu, 239Pu, 240Pu, 241Pu, 242Pu, 241Am, 243Am, 244Cm) ont des périodes longues, voire très longues. Si le plutonium 241 présente la période la plus courte des huit radionucléides cités (14,33 ans), il donne par décroissance de l’américium 241 qui a une période longue (432,6 ans), lequel décroît en donnant du neptunium 247 (2,144.106 ans).

1. Comparaison des caractéristiques de combustibles Mox neuf et usé

Nous allons maintenant comparer les teneurs en isotope du plutonium d’un combustible MOx neuf avec celui d’un MOx usé, après qu’il ait délivré une énergie thermique de 45GWj/t. (voir tableau 2 ci-dessous).


Tableau n° 2 : MOx neuf et MOx usé, 3 ans de vieillissement


Nota : Les "gramme par tonne" ne concernent que le métal lourd (U, Pu et AM) présent ou formé dans les assemblages combustibles après avoir fourni une énergie de 45 GWj/t et refroidi 3 ans.


Nous observons les points importants suivants :

La masse totale de plutonium résiduelle est égale à 77,1% de la masse de départ, ce qui montre que les réacteurs à eau légère "brûlent" insuffisamment le plutonium,

L’activité totale des plutoniums, du fait de l’évolution de la composition isotopique durant le séjour dans le réacteur, est dans le MOx usé, supérieure de 26,2% de celle du MOx neuf. Cette augmentation est due principalement à celle du plutonium 241 (+ 27,8%) qui est produit par activation du plutonium 240, dont la masse décroît (3) de 12,3%,

Cette augmentation est pénalisante, car elle se traduira, au fur et à mesure de la décroissance du plutonium 241 par la formation d’américium 241 qui est un actinide mineur de période longue (432,6 ans), américium 241 qui créera à son tour du neptunium 237 de plus longue période encore (2,14 millions d’années).

2. Impacts dosimétriques potentiels des combustibles UOX et MOX usés

Dans l’hypothèse d’un stockage géologique des combustibles UOx et MOx usés en l’état, le risque principal est l’oxydation progressive des conteneurs suivi de la dilution des matières combustibles par de l’eau oxydante qui serait parvenue au niveau des matières radioactives présentes dans le stockage.

Dans l’hypothèse du transfert de cette eau contaminée, nous allons comparer les risques respectifs présentés par les contaminations potentielles des eaux associés aux deux types de combustibles.

La toxicité principale des radionucléides formés dans le combustible usé est présentée par les radionucléides émetteurs alpha (plutoniums et actinides mineurs), qu’ils soient fissiles ou non. Nous pouvons évaluer les toxicités potentielles de deux types de combustibles, UOx et MOx, en comparant, dans l’hypothèse de l’incorporation dans l’organisme, par ingestion d’une même quantité de matière, les doses respectives engagées.


Tableau n°3 : Rapport des caractéristiques des UOx et Mox usés après 3 ans de vieillissement

Un tableau de chiffres
Une description rapide

En prenant pour indicateur l’activité de l’ensemble de ces émetteurs alpha présents dans les deux types de combustibles, à taux de combustion et à temps de refroidissement égaux, nous constatons que :

Dans le cas du MOx usé, la toxicité des plutoniums additionnée à celle des actinides mineurs est multipliée par un facteur 8,8 (inhalation comme ingestion) par référence à la toxicité de ces mêmes radionucléides dans les combustibles UO2 usés.

CONCLUSION

Dans tous les rapports annuels d’AREVA relatifs aux années 2007 à 2016 puis dans celui d’ORANO (4) en 2017, nous pouvons lire (page 7, 9 ou 11) la phrase suivante :

« Le recyclage diminue jusqu’à 10 fois la toxicité intrinsèque des déchets grâce au recyclage du plutonium ».

Quelle hypothèse a fait le rédacteur pour écrire cette phrase ? Il a seulement considéré que le recyclage faisait disparaitre totalement le plutonium du bilan.

Dans cette hypothèse, il ne reste donc plus que la toxicité présentée par les seuls produits de fission et des actinides mineurs. Mais cette hypothèse est oubliée quelques pages plus loin, car tous ces rapports consacrent un chapitre (N°2.3.1) sur le recyclage de ce plutonium. Or comme nous venons de le voir, le recyclage du plutonium dans des combustibles MOx augmente significativement sa toxicité par comparaison avec un combustible UOx qui a fourni la même énergie thermique et qui a été refroidi pour une même durée.

En plus d’un important surcoût (5), pour une même énergie thermique fournie, le recyclage du plutonium augmente significativement l’activité des actinides mineurs émetteurs alpha à vie longue et donc de la toxicité potentielle des matières nucléaires dans le stockage définitif.

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Notes

(1) GRNC : Groupe Radioécologie du Nord-Cotentin qui a étudié de 1997 à 2006 les impacts des rejets d’effluents liquides et gazeux radioactifs des usines de la Hague.

(2) Les périodes radioactives que nous retenons sont celles recommandées par le Laboratoire National Henri Becquerel du CEA [CEA 2014].

(3) Si la masse de plutonium 240 a décru de 2,816 kg, celle de l’isotope 241 n’a en final augmenté que de 2,108 kg, car le plutonium 241 est un isotope fissile. C’est donc une masse de 0,708 kg de plutonium 241 qui a fissionné.

(4) Voir en bibliographie [Areva 2008] à [Areva 2017] et [Orano 2018].

(5) Coûts nécessités par le recyclage : retraitement, surcoût de la fabrication des assemblages MOx et du stockage définitif des MOx usés (un assemblage MOx par alvéole au lieu de 4 assemblages UOx, donc une emprise de stockage 4 fois plus grande).

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Bibliographie

[Areva 2008], Areva, Rapport 2007, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 40 pages, Juin 2008.

[Areva 2009], Areva, Rapport 2008, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 40 pages, Juin 2009.

[Areva 2010], Areva, Rapport 2009, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 36 pages, Juin 2010.

[Areva 2011], Areva, Rapport 2010, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 44 pages, Juin 2011.

[Areva 2012], Areva, Rapport 2011, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 39 pages, Juin 2012.

[Areva 2013], Areva, Rapport 2012, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 39 pages, Juin 2013.

[Areva 2014], Areva, Rapport 2013, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 44 pages, Juin 2014.

[Areva 2015], Areva, Rapport 2014, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 47 pages, Juin 2015.

[Areva 2016], Areva, Rapport 2015, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 44 pages, Juin 2016.

[Areva 2017], Areva, Rapport 2016, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations AREVA NC de La Hague, 44 pages, Juin 2017.

[CEA 2014], CEA, Laboratoire National Henri Becquerel, Périodes radioactives, valeurs recommandées, Édition de février 2014, Note technique LNHB/2014/18.

[Guillemette 2013], Guillemette A et Zerbib JC, Les combustibles MOx d’EDF, production et stockages, bilans 2011 [20 pages, fichier pdf, 1.3 Mo], Les cahiers de Global Chance, n°33, pages (66-85), Mars 2013.

[Orano 2018], Orano, Rapport 2017, Traitement des combustibles usés provenant de l’étranger dans les installations d’Orano la Hague, 44 pages, Juin 2018.

[Zerbib 2013], Zerbib JC et Guillemette A, Les combustibles MOx d’EDF : Radioprotection et bilans thermiques, production et stockages, bilans 2011 [4 pages, fichier pdf, 310 Ko], Les cahiers de Global Chance, n°34, pages (25-27), Novembre 2013.

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