Le coût de production de l’électricité d’origine nucléaire en France

, par   Benjamin Dessus, Bernard Laponche

Au début, dans les années 1950, on pensait qu’on allait produire de l’électricité tellement bon marché que ce ne serait pas la peine de mettre des compteurs… Il y avait une expression pour dire cela : « Too cheap to meter », trop bon marché pour mettre un compteur. Le cours des choses n’a pas exactement répondu à cette attente...
Conjuguée à la prise de conscience publique des dangers sans commune mesure du nucléaire civil (Three Mile Island, 1979 / Tchernobyl, 1986 / Fukushima, 2011), la révélation progressive de ses coûts réels est ainsi un facteur explicatif majeur de la stagnation puis de l’amorce de décroissance de l’électronucléaire au niveau mondial, en part de la production mondiale et même en valeur absolue à partir de 2006.
Les coûts du nucléaire civil n’ont en effet cessé d’augmenter et s’avèrent, en ce début du 21ème siècle, de plus en plus prohibitifs : investissements de construction des réacteurs, coûts à venir du démantèlement et de la gestion des déchets, coût de l’accident majeur... En France, le rapport de la Cour des comptes de 2014 est ainsi venu porter un démenti décisif aux assertions mensongères du lobby nucléaire en révélant les impasses économiques de l’électronucléaire hexagonal et les inquiétantes incertitudes qui caractérisent ses coûts à venir...


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Benjamin Dessus et Bernard Laponche : Le coût de production de l’électricité d’origine nucléaire en France
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LE COÛT DE PRODUCTION DE L’ÉLECTRICITÉ
D’ORIGINE NUCLÉAIRE EN FRANCE

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Le coût de production de l’électricité d’origine nucléaire en France [1.4 Mo, fichier pdf]
Benjamin Dessus et Bernard Laponche, Encyclopédie de l’Énergie, 9 pages, août 2016

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INTRODUCTION

Au début, dans les années 1950, on pensait qu’on allait produire de l’électricité tellement bon marché que ce ne serait pas la peine de mettre des compteurs… Il y avait une expression pour dire cela : « Too cheap to meter », trop bon marché pour mettre un compteur. Le cours des choses n’a pas exactement répondu à cette attente.

À partir de la mise en évidence de la fission et de la réaction en chaîne dans la première « pile atomique » en 1942 à Chicago, c’est avec un objectif militaire qu’ont été développés les réacteurs nucléaires et les industries du combustible nucléaire. Toutes les techniques utilisées aujourd’hui découlent très directement du « Projet Manhattan » et de ses suites aux États-Unis. Cette articulation étroite entre nucléaire civil – la production d’électricité – et nucléaire militaire – production des armes nucléaires et propulsion des sous-marins nucléaires – a prévalu dans les « puissances nucléaires » qui ont suivi les États-Unis : Union Soviétique, Royaume-Uni, France, plus tard Chine, Inde, Pakistan, Israël (1). Le nucléaire civil a largement profité des développements nucléaires militaires et aujourd’hui, si la séparation peut être effective dans le secteur des centrales nucléaires, elle ne l’est pas dans celui des industries du combustible : enrichissement de l’uranium et retraitement du combustible pour la production du plutonium. Et le « désir » de certains pays de maîtriser les techniques nucléaires « civiles » ne saurait masquer l’intention sous-jacente de se doter de l’arme nucléaire.

Cette « complémentarité » n’est pas sans influence sur la question des coûts du nucléaire. En effet, plus qu’aucune autre technique de production d’électricité, le nucléaire a profité largement de la recherche et développement et même de certains investissements en réacteurs ou usines du combustible financés par les budgets militaires. En même temps, le nucléaire civil a beaucoup joué, notamment dans les milieux scientifiques et auprès du public, de son image de « rédemption » vis-à-vis d’un nucléaire militaire marqué par Hiroshima et Nagasaki et la menace permanente d’un conflit mondial dévastateur au temps de la guerre froide. C’est bien le message Atom for peace du président Eisenhower à la tribune des Nations Unies en 1952 qui a lancé la grande offensive au niveau mondial des entreprises américaines du nucléaire. En 2016, 88% de la puissance électronucléaire installée au monde est constituée par des réacteurs à eau ordinaire et uranium enrichi des filières américaines Pressurized Water Reactor (PWR) et Boiled Water Reactor (BWR).

À la suite de cette impulsion industrielle et commerciale d’envergure, la production d’électricité d’origine nucléaire s’est développée de façon significative à partir de 1960, jusqu’à atteindre 18% de la production mondiale d’électricité en 1996. Ce n’était pas négligeable mais, pour une technique ayant pendant un demi-siècle joui d’un soutien massif des États l’ayant développée, cela ne correspondait pas aux attentes de ses promoteurs. La stagnation puis l’amorce de décroissance de l’électronucléaire au niveau mondial, en part de la production mondiale et même en valeur absolue à partir de 2006, s’explique par deux types de facteurs.

Le premier facteur est la confirmation des risques liés à l’utilisation de cette technique, d’abord par l’accident de Three Mile Island aux États-Unis en 1979 qui a pratiquement bloqué le développement dans ce pays, puis par les catastrophes de Tchernobyl (Ukraine en Union Soviétique, 1986) et Fukushima (Japon, 2011). Le déclin du nucléaire a démarré avant Fukushima mais cet accident a confirmé l’Allemagne et l’Italie, deux pays de haut niveau technologique, dans leur décision de renoncer à l’électronucléaire. Dans le même registre, le problème des déchets radioactifs, présent depuis le début du développement de cette technique, pesait de façon croissante dans la balance des avantages et des inconvénients.

Le second facteur, qui n’était pas anticipé car nombre de soutiens financiers étaient masqués et que les risques étaient minimisés ou même niés, est la question des coûts : ceux-ci n’ont pas cessé d’augmenter et se révèlent, en ce début du 21ème siècle, de plus en plus prohibitifs (investissements de construction des réacteurs, coûts à venir du démantèlement et de la gestion des déchets, coût de l’accident majeur).

Benjamin Dessus et Bernard Laponche

(1) L’Allemagne et le Japon, par obligation, ne développeront que des programmes civils ; le Canada et la Suède également, mais par décision volontaire de ne pas développer le nucléaire militaire.

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SOMMAIRE

1. Les évaluations de la Cour des comptes
1.1. Le coût de production du parc actuel
1.2. Les investissements passés
1.3. Les investissements pour la poursuite du fonctionnement du parc actuel
1.4.Les incertitudes
1.4.1. Le coût de l’allongement de la durée de fonctionnement des réacteurs
1.4.2. Le démantèlement des centrales et usines nucléaires
1.4.3. La gestion des déchets nucléaires

2. Le cas de l’EPR
2.1. Le réacteur de Flamanville
2.2. Le marché d’Hinkley Point

3. Le coût d’un accident nucléaire

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