Pour la première fois en France, la Commission nationale du Débat public vient d’organiser plusieurs débats publics touchant au nucléaire : débats sur l’EPR à Flamanville et la ligne à très haute tension d’évacuation de son énergie, débat sur la gestion des déchets nucléaires, débat sur le réacteur ITER de fusion thermonucléaire contrôlée à Cadarache. Dans un pays où, traditionnellement, les décisions sur le nucléaire ont toujours relevé de l’exécutif et/ou de l’industrie nucléaire bien plus que du législatif, et où le débat préalable à ces décisions a largement échappé au Parlement et complètement à la société civile, ces débats publics sont une nouveauté majeure. Mais leur organisation comme leurs conclusions n’ont pas été exemptes de critiques, comme le montrent ce premier bilan et les témoignages qu’il rassemble.
C’est la première fois en France, que la Commission nationale du Débat public, autorité administrative indépendante, organisait plusieurs débats publics touchant au nucléaire : débats sur l’EPR à Flamanville et la ligne à très haute tension d’évacuation de son énergie, débat sur la gestion des déchets nucléaires, débat sur le réacteur ITER de fusion thermonucléaire contrôlée à Cadarache. C’était une nouveauté majeure dans un pays où, traditionnellement, non seulement les décisions ont toujours relevé de l’exécutif et/ou de l’industrie nucléaire bien plus que du législatif, mais aussi où le débat préalable à ces décisions a largement échappé au Parlement et complètement à la société civile.
C’est pourquoi l’association Global Chance, en pleine conscience de l’importance comme des risques de ces initiatives, s’y est fortement investie en participant, en tant que telle ou à travers l’implication individuelle de ses membres, à toutes les étapes de la préparation et du déroulement de deux de ces débats, celui sur l’EPR et celui sur la gestion des déchets. Ce parti pris de démarche constructive (qui n’était pas partagé par une partie d’associations plus directement concernées par le nucléaire) s’appuyait sur notre conviction que, malgré ses limites probables, le débat public sur ces questions était un des moyens de contribuer à sortir de l’impasse où nous conduit la monoculture institutionnelle et l’arrogance du lobby nucléaire. Ces procédures nouvelles étaient en quelque sorte l’occasion de vérifier un principe dont nous sommes porteurs depuis l’origine : l’éclairage des décisions par le pluralisme de l’expertise dans le débat est essentiel.
La question suivante mérite donc a posteriori d’être posée : qu’est-ce que la nouveauté de ces processus de débat public a apporté dans le débat nucléaire, sur le fond et sur la méthode ?
De notre point de vue, ces deux débats ont été riches, aussi bien sur le plan thématique que sur le plan de la démarche, en découvertes, en innovations, en rebondissements, en enseignements, mais aussi en frustrations diverses. Nous avons donc souhaité, après un temps de réflexion et de décantation des idées, tenter en dresser un premier bilan et en tirer quelques leçons pour l’avenir. Non pas seuls, mais dans la pluralité des expériences qu’ils ont représenté pour des acteurs issus de mondes très différents.
Pour dresser ce bilan à plusieurs voix, nous avons proposé à quelques-uns des principaux organisateurs et acteurs des deux débats de s’exprimer librement dans ces colonnes, soit sous forme d’entretiens, soit sous forme de tables rondes, soit enfin sous forme de contributions écrites. Pour compléter et éclairer ces différentes contributions nous y avons inséré des déclarations, compte rendus de groupes de travail, extraits de rapports divers, qui nous ont semblé particulièrement significatifs. Nous avons choisi de garder la plupart des propos tenus sans les élaguer, au risque de doublons ou de longueurs, mais au bénéfice d’un approfondissement des propos de chacun.
Cet exercice ne prétend bien évidemment aucunement faire le tour de la question : bien des acteurs n’ont pas pu être contactés, d’autres n’ont pas souhaité s’exprimer dans nos colonnes : c’est ainsi que ce dossier n’intègre, malgré notre souhait, aucune réflexion d’EDF ou de la DGEMP sur le débat consacré au projet EPR. Mais, plus largement, au vu de l’envie manifeste de certains acteurs de refuser par principe tout apport de ce type de processus, ou de considérer ces deux débats comme une parenthèse à refermer au plus vite, il nous a semblé utile de le livrer sans attendre, dans cet état très imparfait, à la réflexion de nos lecteurs. Il sera toujours temps d’enrichir le débat avec de nouvelles contributions ou des réactions dans un prochain numéro des Cahiers de Global Chance.
Nous vous le livrons donc comme une étape de travail dans un long processus d’apprentissage de la transparence et du débat démocratique auquel notre association consacre ses forces. Bonne lecture.
Au cours des années 2005 – 2006, l’association Global Chance, en tant que telle, et plusieurs de ses membres, à titre individuel, se sont fortement impliqués dans les deux débats nationaux EPR et déchets nucléaires organisés par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP).
À cette forte implication plusieurs raisons.
Dans la controverse concernant la participation ou non aux deux débats qui a traversé les ONG d’environnement avant même leur tenue, notre association a décidé sans ambiguïté sa participation, tant il lui paraissait nécessaire de mettre à la disposition du public son analyse critique. Global Chance occupe en effet une position un peu particulière dans le paysage des organisations qui portent un regard critique sur la question nucléaire. Tout d’abord parce que notre association ne regroupe qu’un petit nombre de membres, très généralement spécialistes des questions d’énergie, alors que la plupart des autres comportent un grand nombre de militants qui se rassemblent sur la défense de l’environnement. Et ensuite parce que les experts généralistes de l’énergie qu’elle comporte sont souvent reconnus dans les divers milieux de l’administration française ou étrangère, de l’industrie comme des ONG, pour la cohérence de leurs analyses.
Il se trouve de surcroît que le nombre d’experts du nucléaire, réellement indépendants de l’administration ou des industriels promoteurs des filières nucléaires, est particulièrement restreint en France où l’université et le CNRS ont depuis longtemps très largement abandonné toute volonté d’expertise autonome, au prétexte de l’omniprésence du Commissariat à l’énergie atomique pour les questions de recherche-développement et du corps des ingénieurs des mines pour les questions industrielles. Il est assez normal, dans ces conditions, que les quelques organisations qui comportent des experts indépendants dans ce domaine et qui se comptent sur les doigts des deux mains (CRII-RAD, GSIEN, Global Chance, ACRO…) soient sollicités par les organisateurs de débats où la pluralité des expertises apparaît comme une condition même du débat démocratique.
L’association et ses membres se sont donc trouvés impliqués dans la préparation, l’animation ou la participation au débat à divers titres.
C’est ainsi que Michel Colombier (IDDRI) a été nommé membre de la Commission particulière EPR, Bernard Laponche (consultant) conseiller de la Commission particulière Déchets et Yves Marignac (Wise Paris) conseiller de la Commission particulière EPR. Tous sont membres de l’association Global Chance.
D’autre part l’association a participé à la rédaction du « Cahier d’acteurs » du débat EPR en rédigeant, comme une douzaine d’autres acteurs sollicités par la CPDP, une contribution écrite pour chacun des chapitres thématiques proposés par la CPDP. En réponse à une demande spécifique de la CPDP déchets, trois des membres de l’association, Benjamin Dessus, Bernard Laponche et Yves Marignac ont rédigé une « analyse contradictoire » pour le dossier d’initialisation du débat, en contrepoint des contributions des ministères auteurs de la saisine, des industriels et des organismes de recherche impliqués et des organismes de contrôle.
Les membres de l’association ont été également sollicités pour participer aux séminaires préparatoires et à un grand nombre des réunions publiques des deux débats, en y présentant des exposés problématiques et/ou en apportant à la tribune des éléments d’expertise pluraliste, en contrepoint des arguments des maîtres d’ouvrage ou des industriels.
Au cours de la crise qui surgi sur les problèmes de secret défense, trois des membres de l’association, ont rendu publique leur décision de quitter provisoirement les débats EPR et déchets à la suite de la plupart des ONG d’environnement (voir encadré page 7) et cosigné, avec quatre autres experts indépendants, une lettre au président de la CNDP et des deux CPDP proposant « un débat public avec les parties prenantes sur la conciliation des exigences de débat public et de secret » sous la forme d’une réunion publique des deux Commissions, en présence du Haut fonctionnaire de la défense du ministère de l’industrie.
Ils ont enfin participé activement aux différents groupes de travail institués au cours des débats des deux commissions : Benjamin Dessus, Bernard Laponche et Yves Marignac pour le groupe de travail « Scénarios » de la CPDP déchets, Yves Marignac pour le groupe de travail RTE, Benjamin Dessus et Yves Marignac pour le groupe de travail « Accès à l’information ».
En marge de cette participation directe aux diverses phases du débat, l’association a édité un Petit mémento des déchets nucléaires (Les Cahiers de Global Chance, numéro hors-série, septembre 2005), comportant une vingtaine de fiches pédagogiques sur les différentes questions concernant les déchets nucléaires, et participé à la préparation de l’exposition sur les déchets nucléaires réalisée à l’initiative de la CPDP déchets à la Villette.
Cette longue liste qui montre la volonté d’implication de notre association et de ses membres à ces exercices nouveaux de démocratie participative que constituent les débats de la CNDP révèle aussi, en creux, la difficulté spécifique de la société française à développer et entretenir une force d’expertise indépendante de l’administration et des industriels promoteurs des filières en discussion.
Principales contributions écrites de Global Chance ou de ses membres :
(encadré = plus d’informations au survol)
Gestion des déchets nucléaires à vie longue - Analyse contradictoire versée au dossier officiel du débat public sur les déchets radioactifs [fichier pdf, 265 ko] Benjamin Dessus, Bernard Laponche et Yves Marignac (*), juillet 2005, 23 pages (*) Auteurs désignés par la Commission Particulière du Débat Public sur les déchets radioactifs en tant qu’experts des questions énergétiques et nucléaires connus pour leurs analyses critiques sur la question nucléaire.
Contributions au Cahier collectif d’acteurs du débat public EPR, mai 2005 :
• Politique industrielle du maître d’ouvrage et maintien des compétences, Benjamin Dessus, réunion publique à Paris de la CPDP EPR, 29 novembre 2005 [voir plus bas dans le sommaire]
• Lettre des experts indépendants au Président de la CNDP [voir plus bas dans le sommaire]
• Quelles avancées pour le débat déchets ?[diaporama, 15 pages, fichier pdf, 140 ko], Benjamin Dessus, réunion de Dunkerque de la CPDP déchets, 19 décembre 2005
• Démocratie et secret[5 pages, fichier pdf, 30 ko], Benjamin Dessus, note de problématique, réunion publique des deux CPDP à Caen, 14 novembre 2005
• Matières nucléaires et déchets : les enseignements de la prospective, Benjamin Dessus, La Villette, CPDP déchets, 8 octobre 2005
Le débat public, nouvelle facette de la décision ? Débat entre Annie Sugier* (IRSN), Michel Colombier* (IDDRI), membre de la Commission EPR, et Yves Marignac** (WISE) * membres de la Commission EPR ** conseiller auprès de la Commission EPR
Petit mémento des déchets nucléaires Éléments pour un débat sur les déchets nucléaires en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°2, septembre 2005, 48 pages
Petit mémento des énergies renouvelables Éléments pour un débat sur les énergies renouvelables en France Les Cahiers de Global Chance, hors-série n°3, septembre 2007, 84 pages